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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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Ferregaye, notre capitaine d’armes et second-maître après Dieu, venait avec ses hommes de mettre en branle entre le bâtiment du Présidial et la tour du Couvent, pour en contrôler le passage, une terrible baliste.
    Elle pouvait projeter à chaque tir, dix-huit carreaux d’arbalète de trois pieds de long répartis sur trois rangées, superposés et guidés par des fûts dont l’orientation avait été calculée pour repousser un groupe d’assaillants sur une largeur de douze pieds, à une distance de plus de trois cents coudées.
    Les carriers et les tailleurs de pierre confectionnaient moult boulets de quarante à deux cent cinquante livres, selon l’engin auquel ils étaient destinés. Leurs compains en fabriquaient d’autres à base de gravier concassé, de sable et de chaux, élaborés en plusieurs couches successives et cuits au four. Même les enfants du village prêtaient la main pour malaxer des pâtons qu’on laissait ensuite sécher et durcir au soleil.
    Des artisans et des arbalétriers éminçaient et polissaient le bois des flèches et des carreaux d’arbalète. Ils incisaient l’une des extrémités pour y insérer les trois empennages en plume d’oie et munissaient les carreaux, à leur pointe, de viretons de forme pyramidale dont les ailettes forgées étaient capables de perforer les armures les plus résistantes.
    Tous les corps de métiers avaient été mobilisés pour les préparatifs de la guerre. On avait hâte de se frotter aux envahisseurs godons et à leurs alliés gascons, dont chacun savait qu’ils étaient Anglais à demi. Pour les tailler en pièces.
    Le matin même, ma lance, mal pointée ou mal contrôlée, avait glissé, s’était brisée et m’avait coûté une magistrale volée de l’aspersoir d’eau bénite au poteau de quintaine.
    Je pansai mes plaies, seul dans la chambre que je partageais avec Arnaud, et plongeai délicieusement dans le bain chaud et fumant que Jeanne, une forte femme préposée à la lingerie, m’avait fort délicatement préparé. Il fleurait bon le thym et le romarin : j’y avais versé quelques gouttes de la décoction que je conservais dans un flacon opaque. Notre barbier me l’avait remise un jour avec moult précautions comme s’il s’agissait de la pierre philosophale.
    Il était un peu alchimiste à ses moments perdus. Par ce geste, il m’avait félicité, à sa manière, pour les progrès que j’avais accomplis en lui donnant la réplique lors d’une conversation. En latin. Il adorait le latin.
     
    Alors que je me prélassais dans mon bain, un cor sonna à l’extérieur des murailles de la forteresse de Beynac. Un appel rauque et prolongé pour solliciter l’ouverture de la herse. Quelqu’un devait s’annoncer à l’une des portes et demander l’accès à la première enceinte.
    Par simple curiosité, je me hissai hors du baquet, ceignis pudiquement un linge autour de la taille et m’approchai du fenestrou à meneaux resté entrouvert, marquant chacun de mes pas d’une empreinte humide parfumée au thym et au romarin.
    J’en écartai la tenture. Un cavalier avait dû se présenter à la porte Veuve, la porte de Boines étant condamnée pour cause de travaux. Ce soir, le ciel était gris, plombé comme l’étoile du matin. Un mauvais jour. Je tendis l’oreille, la main droite en cornet pour mieux rabattre le son. J’entendis alors, non sans effroi, le portefaix s’écrier :
    « Au nom du Roi, je suis le prévôt du sénéchal du Pierregord et je requiers du seigneur de Beynac la permission de questionner l’un de ses écuyers, Bertrand Brachet de Born. »
    J’eus une sorte de vertigine. Bigre, que me reprochait-on ? Je tendis l’oreille, au point de la décoller. Michel de Ferraye, le capitaine d’armes, l’avait entendu et lui posait une ultime question avant de le laisser pénétrer dans l’enceinte :
    « Pour quelle cause, messire prévôt ?
    — Au nom du Roi ! » Décidément, il se répétait, pensais-je. J’avais tort. Je n’aurais pas dû prendre l’affaire à la légère.
    « Au nom du sénéchal du Pierregord, messire de Verderac, et de monseigneur de Royard, évêque de Sarlat. J’enquête sur un crime de sang.
    — Ah ! Par Saint-Christophe, un crime ? Quel crime ?
    — Un crime commis sur la personne de messire Gilles de Sainte-Croix, chevalier de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Il a été occis par traîtrise. Assassiné avec lâcheté !
    — Quel

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