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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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perverses n'arrivent que dans la tête des écrivains malades ! Et Dante devait
en être un. Allez, d e bout
! Et au boulot !
    Ragaillardi,
il se leva d'un bond, oubliant ses peurs et les mou s tiques.
Heureusement pour lui, ces de r niers
avaient fui le soleil, il ne risquait plus rien. Exténué,
il passa sous la douche, d é couvrit
dans le miroir son visage défiguré et s'empressa de le
badigeonner avec la pommade désinfectante qu'il avait
a p portée.
Ce faisant, il repensa à cette nuit exténuante et son
e s prit
n'avait pas totalement retrouvé la sérénité.
Au s si,
dès qu'il fut habillé, il courut trouver son
médecin-chef. Celui-ci ne put se retenir de rire en voyant son
visage :
    — On
a tous eu droit aux moustiques les premiers temps, dit-il, ne
t'inquiète pas, ça d é gonfle.
Après, on est vacciné.
    — Et
les cris ? enchaîna Romain. On est vacciné aussi après
la première nuit ?
    — Ah
ça ! C'est autre chose...
    Romain
fronça les sourcils, il avait espéré que son
chef lui dema n derait
de quels cris il parlait, lui dirait qu'il avait rêvé,
que ce devait être les singes... Mais Pierre Villeneuve savait.
Il co n naissait
ces cris.
    — Bien
sûr que je les connais. Croyais-tu être le seul à
les entendre ? Il faudrait être sacrement sourd pour passer à
côté. Tout le monde les entend, toutes les nuits.
    — Toutes
les nuits ! s'exclama Romain, horrifié à l'idée
qu'il allait revivre le même cauchemar.
    — Oui,
je les entends depuis des années. Ce sont les bagnards, tu
l'avais compris.
    — Je
m'en doutais. Pourquoi les laisse-t-on hurler ainsi ? N'avez-vous pas
essayé de faire quelque chose pour eux ? N'y a-t-il rien pour
les faire taire... ?
    — Les
faire taire ? Et comment ? À coups de f u sil
?
    — Bien
sûr que non ! se récria Romain. Ce n'est pas ce que je
vo u lais
dire, mais il y a des ca l mants.
    — Ils sont
trop nombreux,
cent fois plus que nous qui les soignons et les gardons. Si tu en
fais taire un quelque part, un autre reprend ai l leurs.
Dans l'e n ceinte
de la prison et chez les libérés dehors. Jusque dans la
forêt. Ils sont encore plus no m breux
que les moustiques qui t'ont mis dans cet état. Et il est
aussi impossible de les faire taire que d'écraser ces
mou s tiques
un à un.
    — Mais
comment faire, on ne peut pas dormir avec ces cris...
    — On
dort mal, mais on finit par dormir.
    — Je
ne pourrai jamais m'y habituer.
    — Je
te mentirais si je te disais qu'on s'y habitue. Mais tu verras, après
tes journées, tu tomberas de sommeil et tu ne les e n tendras
plus.
    Ils
parlèrent longtemps, le plus honnêtement possible.
Romain de ce qu'il craignait de découvrir au bagne, et son
médecin-chef de ce qu'il pensait pouvoir lui en dire sans le
déco u rager.
    — Et
les femmes ?
    — Elles
ne crient pas.
    — Comment
ça se fait ?
    — Je
ne sais pas, elles sont moins nombreuses, ou alors moins fr a giles.
Va savoir.

27
    Impatiemment.
Marie attendait le jeudi suivant. De neuf heures du matin jusqu'à
onze heures, elle avait été autor i sée
à « faire parloir » pour trouver un mari parmi les
bagnards lib é rés.
Ou plus exactement pour tenter d'être choisie par l'un d'eux.
Ils désignaient celle avec l a quelle
ils acceptaient de passer un m o ment
plus intime au kiosque afin de faire plus ample connaissance sous le
regard des sœurs, qui, à di s tance,
re s taient
pour veiller à la bonne tenue de la conversation. Les femmes,
elles, n'avaient qu'un choix : accepter ou refuser.
    Le
kiosque qui servait aux rencontres des futurs mariés était
comme tous ceux de France et de Navarre. De dimensions moyennes, son
toit de forme hexagonale était posé sur une structure
de bois à croisillons ouverts. On l'avait peint d'un rose
sucré comme l'église, et on pouvait s'asseoir à l'intérieur
sur de petites banquettes installées sur son pou r tour.
Il aurait presque été joli et on s'y serait presque
senti bien s'il n'avait régulièrement accueilli les
bagnards qui y trouvaient refuge et le laissaient dans un état
répugnant. Les sœurs avaient beau se plaindre auprès
des autorités et le lessiver, rien ne changeait et il ga r dait
une odeur rance de vomi et d'urine qu'il était impossible de
su p primer.
Il trônait sur une sorte de carré d'herbe pompeusement
appelé jardin, entre le couvent, le carbet-pénitencier
des femmes, et l'église. On ne savait pour quelle raison il
avait été construit. Jamais on n'y avait joué
aucune musique

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