La fabuleuse découverte de le tombe de Toutankhamon
pourtant prendre une décision, car notre travail en souffrait de plus en plus. Finalement, nous choisîmes la fuite. Dix jours après l’ouverture de la porte scellée, la tombe fut remblayée, le laboratoire fermé et, pendant une semaine, on n’entendit plus parler de nous. L’idée était bonne. Quand nous reprîmes le travail, la tombe elle-même était irrévocablement enterrée et la consigne de n’admettre aucune visite au laboratoire fut strictement respectée.
On nous a accusés de manquer de considération, de faire preuve d’égoïsme, de grossièreté et de bien d’autres choses. C’est pourquoi je me dois ici d’exposer clairement les difficultés que ces visites nous causent.
D’abord, la présence de nombreux visiteurs crée un danger réel pour les objets, danger que nous n’avons pas le droit de leur faire courir. La tombe est petite et encombrée et, tôt ou tard – cela s’est produit plus d’une fois l’année dernière –, il arrive que quelqu’un fasse un faux pas ou un mouvement trop brusque qui entraîne des dommages irréparables. Ce n’est pas la faute du visiteur, qui ignore l’emplacement exact ou l’état des objets. C’est la nôtre, pour l’avoir laissé entrer. Et, malheureusement, plus il est intéressé et enthousiaste, plus il est probable qu’il provoquera des catastrophes. En outre, en admettant même que nous n’ayons à déplorer aucun incident, le passage de nombreuses personnes soulève la poussière, ce qui, en soi, n’est pas bon pour les objets.
Voilà donc le premier danger. Le second, dû à la perte de temps qu’occasionnent les visites, n’est pas aussi immédiatement apparent, mais il est peut-être encore plus grave. Allons, dira-t-on, ce n’est pas la petite demi-heure que vous consacrez à chaque personne qui va vous gâcher une saison de travail ! Sans doute – si cette demi-heure ne se répétait pas dix fois dans la même journée. Dix visites, c’est tout simplement cinq heures. Beaucoup plus, en fait, car il est difficile, entre deux visites, de se remettre véritablement au travail. Et c’est toute une journée que nous perdons. Au cours de la saison dernière, il n’est pas rare que nous ayons eu dix groupes le même jour, et si nous avions accepté toutes les demandes, cela nous aurait pris des semaines entières. L’hiver dernier, nous avons finalement consacré un quart de notre saison aux visites, ce qui nous a obligés à prolonger nos travaux d’un mois pendant la saison chaude. Et je prie de croire que le soleil égyptien du mois de mai n’incite pas au travail.
Mais là encore, plus que notre confort personnel, c’est la sécurité des objets qui est en jeu. Ils sont, en effet, extrêmement sensibles aux changements de température et, dans le cas présent, il est évident que certains objets furent affectés par les nettes différences existant entre l’atmosphère confinée de l’antichambre, la température extérieure variable et la sécheresse de la tombe que nous utilisons comme laboratoire. Il était extrêmement important qu’on procède à leur traitement le plus vite possible et, dans certains cas, il fallait surveiller de près leur réaction aux produits chimiques. Il n’est pas besoin d’insister sur le danger que représentaient les interruptions à ce stade de notre travail. Qui demanderait à un chimiste d’interrompre une expérience délicate pour faire visiter son laboratoire ? Comment réagirait un chirurgien si on le distrayait au milieu d’une opéra-tion ? Que dirait un homme d’affaires si, tous les jours, il devait montrer ses bureaux à des curieux ?
En archéologie comme ailleurs, nous avons besoin d’un minimum de considération. Est-ce parce que nous travaillons dans des régions presque désertiques, et non dans des villes industrieuses, qu’on nous accuse de grossièreté quand nous n’admettons pas d’être dérangés ? Il semble bien que, pour la plupart des gens, l’archéologie ne constitue pas un véritable métier, mais une sorte de passe-temps pour touristes argentés. Chacun sait du reste qu’un fouilleur n’a pas autre chose à faire que de payer des autochtones pour faire le travail à sa place et de se dorer au soleil pendant que ses compatriotes meurent de froid… Il est vrai que nombre d’archéologues dilettantes, travaillant rarement de leurs propres mains et le plus souvent absents lors des grandes découvertes, ont contribué à établir
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