La fabuleuse découverte de le tombe de Toutankhamon

cette opinion ! En réalité, la vie du fouilleur est le plus souvent monotone et laborieuse.
    Mais je me suis laissé entraîner beaucoup plus loin que je n’en avais l’intention. C’est que ce sujet nous tient tous à cœur. Nous avons là un matériel unique, et si nous voulons l’exploiter de la meilleure façon, il est absolument essentiel qu’on nous laisse travailler en paix. Si au moins tous nos visiteurs étaient de véritables passionnés d’archéologie… Mais la plupart d’entre eux ne sont attirés que par la curiosité ou par le snobisme. Ils veulent uniquement pouvoir en parler à leurs amis une fois rentrés chez eux ou se gausser des touristes plus infortunés qui n’ont pas réussi à se faire introduire. Enfin, qu’y a-t-il de plus insupportable, quand on est absorbé par une tâche difficile, que de consacrer une demi-heure de son temps à un individu qui a usé de toute son influence pour obtenir de pénétrer dans la tombe, et de l’entendre déclarer à voix haute en sortant : « En fin de compte, il n’y avait pas grand-chose à voir ! »
    La saison prochaine, en tout cas, les visites seront nécessairement plus rares. Il sera, en effet, impossible d’entrer dans la chambre funéraire, puisque les échafaudages occuperont chaque pouce du sol. Et le démantèlement du naos, section par section, est une opération trop délicate pour souffrir la moindre interruption. Nous nous proposons donc de ne traiter dans le laboratoire qu’un seul objet à la fois, que nous emballerons et expédierons dès que nous en aurons fini avec lui. Nous avons déjà envoyé six caisses au musée du Caire et nous supplions les touristes de passage en Égypte de s’en contenter. Ils peuvent aussi venir voir l’extérieur de la tombe. Ceux qui éprouvent pour l’archéologie un véritable intérêt seront les premiers à comprendre que cette requête est raisonnable. Les autres, les curieux, les oisifs, qui considèrent notre travail comme un spectacle, et Toutankhamon comme un sujet de conversation à la mode, ne méritent ni attention ni considération. Quelles que soient les découvertes que nous réserve la prochaine saison, nous espérons pouvoir les traiter avec le respect et la dignité qui leur sont dus.

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LE TRAVAIL EN LABORATOIRE
    Nous savons donc qu’un fouilleur passe son temps à se dorer au soleil, en regardant les autres travailler pour lui, et que de temps à autre, pour soulager son ennui, on lui apporte des pleins paniers d’objets arrachés aux entrailles de la terre… En fait, rares sont ceux qui savent en quoi consiste ce métier. C’est pourquoi il me semble utile d’en indiquer au moins les grandes lignes avant d’aborder notre travail en laboratoire.
    Et d’abord, il n’y a jamais de paniers remplis d’objets qu’on apporte aux archéologues. La première règle, et la plus importante, en matière de fouilles, est que l’archéologue doit exhumer chaque objet de ses propres mains. Beaucoup en dépend. Outre le problème des dommages que pourraient causer des mains maladroites, il est en effet essentiel de voir l’objet sur place, la position qu’il occupe et la relation qu’il peut avoir avec les objets avoisinants, constituant autant d’informations capitales. De cette façon, par exemple, on a toutes les chances de pouvoir dater un objet. Combien d’articles dans les musées portent simplement la mention : « datant probablement du Moyen Empire », alors qu’on aurait pu déterminer avec exactitude la dynastie, voire le règne auxquels ils appartenaient. On peut, de même, définir l’emploi d’un objet particulier ou récolter des indices qui permettront de le reconstituer.
    Considérons, par exemple, les minuscules fragments de silex dentelés qu’on trouve en grande quantité dans les sites urbains du Moyen Empire. Il est possible de deviner leur usage et de les exposer dans les musées avec la notice : « Fragments de silex de faucille. » Mais cela n’aura pas beaucoup d’intérêt. Que faire, d’autre part, si on trouve une faucille intacte, comme cela m’est arrivé, mais que sa partie en bois est dans un état tel qu’elle va s’effriter au moindre contact ? En la traitant sur place et en la manipulant avec précaution, on pourra peut-être parvenir à extraire la faucille intacte ou, si elle est trop enfoncée, on pourra au moins prendre ses mesures et noter sa forme pour en faire réaliser une copie. Dans les deux cas, on