La fabuleuse découverte de le tombe de Toutankhamon
d’expliquer son travail à des gens qui l’apprécient. Mais, à mesure que le temps passait, nous nous apercevions que, si nous laissions faire, nous allions passer toute la saison à nous donner en spectacle sans avancer notre travail d’un pouce. Sans nul doute, nous venions d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire de la Vallée. Des visiteurs, elle en avait toujours connu, mais jusqu’ici c’était pour explorer une tranche d’histoire, pas pour se rendre à une garden-party. Livres en main, ils visitaient consciencieusement autant de tombes que le temps ou leur guide le leur permettait, déjeunaient à toute allure et se précipitaient pour aller digérer d’autres merveilles. Cet hiver-là, guides et horaires furent négligés, et nombre de sites archéologiques importants délaissés. La tombe les attirait comme un aimant. Dès les premières heures du jour, le pèlerinage commençait. Ils arrivaient, juchés sur des ânes, en charrettes, en voitures à chevaux, et s’installaient à leur aise pour la journée.
Autour du niveau supérieur de la tombe courait un mur bas ; c’est là que chacun s’établissait, attendant que quelque chose se passe. Bien entendu, la plupart du temps, il ne se passait rien. Mais leur patience était inébranlable et ils restaient là, lisant parlant, tricotant, photographiant la tombe et se photographiant les uns les autres. Grande était l’excitation quand la rumeur s’élevait qu’on allait sortir quelque chose. Livres et tricots étaient prestement abandonnés et tous les appareils photogra phiques se braquaient sur l’entrée de l’hypogée. La foule était telle, certains jours, que nous avions peur que le mur ne cède sous son poids. Je suppose, en effet, qu’il devait être impressionnant, de là-haut, de voir des objets aussi étranges que les lits en forme d’animaux passer peu à peu de l’obscurité à la lumière du jour. Nous qui les portions avions bien trop à faire pour y penser, mais le silence étonné qui nous accueillait, puis les exclamations qui fusaient, nous faisaient prendre conscience de l’effet produit.
Nous n’avions évidemment pas d’objection à la présence de ceux qui se contentaient de nous observer du haut du muret. Chaque fois que c’était possible, nous laissions même les objets à découvert sur les civières pour qu’ils puissent les voir. Mais il y avait les autres, ceux auxquels, pour une raison ou une autre, nous devions faire visiter la tombe elle-même. Cette dernière contrainte était si insidieuse que, pendant longtemps, aucun d’entre nous n’en mesura l’inévitable résultat : notre travail n’avançait plus.
Au début, naturellement, nous avions reçu les officiels des départements concernés. Ceux-là étaient véritablement les bienvenus. De même, nous étions toujours heureux de recevoir d’autres archéologues. Nul n’aurait songé à leur contester le droit de visiter la tombe, et nous étions ravis de leur montrer notre découverte dans ses moindres détails. Jusque-là, pas de difficulté. Les ennuis commencèrent avec les innombrables lettres d’introduction écrites par nos amis – nous ne savions pas, jusque-là, à quel point ils étaient nombreux –, par les amis de nos amis, par des gens que nous connaissions effectivement et d’autres qui nous étaient totalement inconnus. Ou encore, pour des raisons diplomatiques, par des ministres ou les directeurs des différents départements du musée du Caire. Sans parler des introductions écrites par les intéressés eux-mêmes, qui s’ingéniaient à nous démontrer combien il serait peu raisonnable de les leur refuser. Un individu particulièrement ingénieux intercepta même un télégraphiste qu’il persuada de lui céder sa place afin d’avoir un prétexte pour nous approcher. Visiter la tombe était devenu une véritable obsession parmi les touristes et, dans les hôtels de Louxor, on ne parlait que de cela. Ceux qui avaient vu la tombe s’en vantaient ouvertement et, pour ceux qui n’avaient pas eu ce privilège, c’était devenu une véritable affaire de prestige que d’y parvenir. La chose avait pris une telle ampleur que certaines agences américaines proposaient à leurs clients un voyage en Égypte spécialement pour voir la tombe !
On imagine la difficulté de notre position. À qui devions-nous autoriser la visite, à qui la refuser sans craindre d’offenser les susceptibilités ? Il nous fallait
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