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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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fruits…
    Invité à visiter en compagnie de Philomène les fruits et les fleurs du jardin, Croasse comprit qu’il était de son devoir de répondre par une galanterie telle qu’on pouvait en attendre d’un bourreau de cœurs et d’un véritable héros d’armes ; il ouvrit un large bec et croassa :
    — O Philomène ! que ne puis-je cueillir la fleur de votre modestie et les fruits de votre vertu !
    C’était une déclaration que Croasse jugea audacieuse et Philomène décisive. Tous deux un instant demeurèrent ébahis, effarés, Philomène confuse et palpitante de sentir qu’elle tombait enfin dans les abîmes du péché, Croasse émerveillé. Il n’avait qu’à paraître et il triomphait sur tous les champs de bataille. Ils se regardèrent et se reconnurent dignes l’un de l’autre, jeunes, beaux, aimables. Croasse, de plus en plus audacieux, et se sentant irrésistible, saisit une main de Philomène. Et, la main dans la main, ils partirent côte à côte, la tête penchée.
    Très astucieusement, Philomène tirait Croasse vers un coin désert de la communauté, coin propice aux déclarations amoureuses, et dont l’approche, par surcroît, était depuis quelques jours sévèrement interdit aux religieuses. Philomène, curieuse comme une pie, selon sa propre expression, et par-dessus le marché en mal d’amour, trouvait donc double avantage à gagner ce lieu où s’élevait une petite construction entourée de palissades : d’abord satisfaire sa curiosité et savoir pourquoi l’abbesse avait fait défense d’en approcher ; ensuite, pouvoir continuer l’entretien avec Croasse à l’abri de toute indiscrétion. Grâce à de savants détours, Philomène put atteindre la région désirée, avec la certitude de n’avoir pas été aperçue. Lorsqu’elle arriva enfin à la palissade, son cœur battait à rompre.
    — Il ne s’agit plus maintenant que d’entrer dans l’enceinte, murmura-t-elle faiblement.
    — Et une fois dans l’enceinte, que ferons-nous ? demanda Croasse.
    — Eh bien ! Ne voyez-vous pas cette maisonnette ? C’est une charmante retraite où personne ne pourra venir nous épier et surprendre nos paroles…
    Philomène avait cramponné sa main sèche au bras de Croasse. Sans plus d’explication, elle l’entraîna jusqu’à la porte de la palissade. Cette porte se trouvait fermée.
    — Quel malheur ! dit Philomène.
    — Attendez, fit Croasse bouillonnant d’ardeur et d’audace, je vais sauter par-dessus la palissade, et quand je serai à l’intérieur je pourrai facilement vous ouvrir.
    — Ah ! vous êtes un héros !…
    Déjà Croasse entreprenait l’escalade qui, grâce à sa hauteur démesurée, lui fut facile ; quelques instants plus tard, il sautait dans l’enclos, et sans perdre une seconde se prépara à ouvrir à Philomène. A ce moment, il entendit derrière lui le bruit précipité de pas légers. Il se retourna et étouffa un cri de stupéfaction : une jeune fille accourait vers lui, cheveux épars, mains jointes, regard suppliant… une enfant adorablement belle dans sa terreur même.
    — O monsieur, supplia-t-elle, qui que vous soyez, sauvez-moi ! Emmenez-moi d’ici !…
    — La petite chanteuse !… Violetta !… s’écria Croasse.
    A cette voix, la jeune fille parut reconnaître soudain celui à qui elle s’adressait et s’arrêta.
    — Ah ! murmura-t-elle avec accablement, ce n’est pas un sauveur ! Ce n’est qu’un aide de Belgodère !…
    Et deux larmes roulèrent sur ses joues pâlies.
    — Violetta ! Ici ! répéta Croasse. Mais comment se fait-il que ?…
    Croasse n’eut pas le temps d’en dire plus long ; sur le seuil de la maisonnette apparaissait à cet instant quelqu’un qu’il ne connaissait que trop bien : c’était Belgodère !…
    Belgodère n’était jamais apparu à Croasse qu’une trique à la main. Et cette fois encore, pour ne pas déroger à l’habitude sans doute, le bohémien, tout en s’avançant d’un pas tranquille, faisait tournoyer un gourdin de cornouiller de respectable apparence. Croasse pâlit et, poussant un long gémissement, flageola sur ses longues jambes.
    Belgodère saisit rudement Violetta par le bras et gronda :
    — Rentre, toi !… Une autre fois, ça ne se passera pas ainsi…
    La pauvre petite baissa la tête et se dirigea lentement vers la maisonnette dans laquelle elle disparut. Belgodère l’accompagna jusqu’à ce qu’elle fût entrée. Alors il se retourna

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