La Fausta
les têtes des six cents gardes qui emplissaient les murs, arrivaient parfois jusqu’à lui.
Guise était sombre. Pour lui, comme pour Charles d’Angoulême, Violetta était perdue. Il n’avait plus à s’inquiéter des trahisons de sa femme Catherine de Clèves ; Catherine ne pouvant le tromper qu’au fond de sa lointaine province et non sous les yeux de la cour, la trahison ne comptait plus pour Guise. Dès lors, cette passion qui s’était abattue sur lui, pareille à une irrésistible tempête, était seule à le bouleverser à la fois dans son esprit, ses sens et son cœur.
Il allait et venait dans le vaste et somptueux salon qui lui servait de cabinet. La tête penchée sur la poitrine, les mains croisées au dos, un rude soupir lui échappait parfois, et il n’écoutait Maurevert que d’une oreille distraite. En effet, Maurevert lui rendait compte de l’état de Paris, de la colère qui commençait à gronder, de l’impatience des bourgeois, des soupçons de plusieurs gentilshommes qu’il nommait… Maurevert lui parlait de tout ce qui eût dû l’intéresser, mais dont il se souciait peu à ce moment, et Maurevert ne parlait pas du seul être qui occupât la pensée de Guise… Violetta ni de la seule chose qui l’intéressât réellement… son amour !
Pourtant Guise dressa tout à coup les oreilles et s’arrêta devant Maurevert, lorsque celui-ci en vint à prononcer un nom. Ce nom, c’était celui du chevalier de Pardaillan.
— Eh bien ? dit-il, l’as-tu retrouvé ? Sais-tu où il se cache ?
— Hélas ! non, monseigneur.
— Et le bâtard d’Angoulême ? reprit Guise.
— Monseigneur, si nous retrouvons le Pardaillan, nous mettrons du même coup la main sur Charles.
— Ils auront quitté Paris…
Maurevert secoua la tête.
— Ah ! continua amèrement le duc, si tu haïssais cet homme, ce misérable Pardaillan comme je le hais…
L’œil de Maurevert étincela.
— Tu ne l’aurais pas perdu de vue ni laissé sortir de Paris !
— Monseigneur, j’ai la conviction que Pardaillan n’a pas quitté Paris.
— Qui te le fait croire ?
Maurevert frissonna, jeta un regard d’angoisse autour de lui, comme s’il se fût attendu à voir soudain paraître celui qu’il redoutait, et il murmura :
— Tant que je serai à Paris, il y sera…
— Je ne te comprends pas, dit Guise d’un air narquois ; mais je ne veux me souvenir que d’une chose : c’est que sur notre prise de la butte Saint-Roch, tu devais toucher deux cent mille livres, et que ces deux cent mille livres, tu les abandonnais pour avoir la joie de voir Pardaillan mort une bonne fois…
Ces paroles ramenèrent brusquement le duc au souvenir cuisant de la déception que Pardaillan lui avait ménagée. Il eut un geste de rage.
— Puisque cet homme est à Paris, puisque tu le hais, que ne le cherches-tu ?… Aurais-tu peur… toi !
Maurevert pâlissant cherchait une réponse, lorsque le valet familier de Guise ouvrit la porte et annonça que Bussi-Leclerc, le gouverneur de la Bastille, venait d’arriver.
— Qu’il entre ! qu’il entre !… Lui aussi doit avoir une dent féroce contre le Pardaillan, et il nous aidera…
— Monseigneur, fit en entrant Bussi-Leclerc qui avait entendu, pour ce qui est de la dent que vous dites, je vous la garantis, longue, aiguë et solide.
— Te voilà, mon pauvre crucifié, ricana le duc qui était sans pitié pour les mésaventures des autres, comment vas-tu ? Par la barbe du pape, sais-tu que tu faisais une plaisante figure sur ton aile de moulin ! Et Maineville ! En poussait-il des cris ! J’en ris encore lorsque j’y pense…
— Le spectacle devait être assurément fort galant, dit Bussi glacial.
— Ne te fâche pas, dit le duc en riant plus fort. Je te revois encore les pieds au ciel, la tête en bas, roulant des yeux terribles… allons, ne grince pas des dents, c’est moi qui t’ai détaché… il était temps, hein ? tu t’es évanoui dans mes bras, toi le fort des forts !
— Hé, monseigneur, j’aurais voulu vous voir à ma place ! Ficelé sur l’aile de l’infernal moulin… Le monde tournoyait, le ciel et la terre se confondaient dans un tourbillon… Je vous jure que c’était atroce.
— Donc, tu en veux fort au Pardaillan ?…
— Oui, mais pas de cela ! gronda Bussi-Leclerc entre ses dents.
Il songeait à ce duel où, pour la première fois, il avait été désarmé, vaincu, et il grommelait :
— J’ai
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