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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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balbutia Guise éperdu.
    — Vive le roi ! Vive le roi ! rugissait le peuple dans un large roulement de tonnerre.
    — Non, pas princesse ! dit Fausta immobile à son rang de page, tandis que le duc se retournait vers le peuple et saluait. Celle qui vous parle n’est pas en cette solennelle minute la princesse Fausta. C’est l’élue du conclave secret ! c’est l’ouvrière du grand œuvre qui se dresse en face de Sixte Quint ! c’est celle qui vous parle au nom de Dieu !… Duc, roi, écoutez la voix de Dieu !…
    — Vive le roi ! Vive le roi ! délirait la multitude déchaînée, tourbillonnant autour de l’estrade en vagues monstrueuses.
    — Obéirez-vous à l’ordre qui tombe du ciel ! poursuivait Fausta d’une voix âpre et profonde. Tout est prêt, duc ! L’archevêque de Lyon et le cardinal votre frère, sont à Notre-Dame. Mayenne est au louvre. Brissac attend avec six mille hommes d’armes. Duc, tout à l’heure, après le supplice qui va exalter l’âme de ce peuple, marchez sur Notre-Dame, et dans une heure, vous êtes sacré roi de France !…
    — Oui ! Eh bien, oui ! fit le duc haletant, ébloui, transporté.
    — Et alors, vous marchez sur le Louvre, duc !… Et ce soir, roi de France, vous couchez dans le lit d’Henri de Valois…
    — Oui ! oui ! répéta le duc de Guise qui, à ce moment, se dressa tout debout et salua longuement comme s’il eût enfin accepté cette royauté que lui offrait tout un peuple.
    Alors, sur l’estrade et autour de l’estrade, sur toute la place rugissante, ce ne fut qu’une énorme clameur, tandis que des milliers de bras frénétiques agitaient des chapeaux ou des écharpes et que de toutes les fenêtres tombait une pluie de fleurs.
    — Vive le roi ! Vive le roi !…
    Fausta leva au ciel un regard flamboyant comme pour le prendre à témoin des grandes choses qui allaient s’accomplir. A ce moment, du fond de la rue Saint-Antoine, arriva jusqu’à la place une rumeur sinistre.
    — Les voilà ! Les voilà !…
    Les cris de mort, dès lors, se mêlèrent aux acclamations.
    — Vive le roi !… Mort aux huguenots !…
    — Vive le pilier de l’Eglise !… Mort aux hérétiques !…
    Les deux condamnées apparurent à l’encoignure de la place et furent saluées par un hurlement sauvage, immense, capable de donner le frisson. Chacune d’elle était entourée d’un fort peloton d’archers. Celle qu’on appelait Madeleine Fourcaud marchait la première, à plus de cinquante pas de celle qu’on appelait Jeanne Fourcaud, les deux troupes ayant été séparées par de larges afflux de peuple.
    Guise venait de reprendre place dans son fauteuil. Derrière, sur lui, se penchait à demi Fausta, pareille, en cette minute, à l’ange de la mort. Les yeux de Guise, les yeux des gentilshommes de l’estrade, les yeux de la multitude étaient braqués sur Madeleine Fourcaud qui, la première, faisait son entrée sur la place.
    — Belle fille ! dit Guise.
    Autour de lui on se mit à rire. Elle était belle, en effet, avec ses longs cheveux noirs, sa peau brune et mate, dorée, semblait-il, comme si elle eût été la descendante de quelque gitane. Et cette apparence même achevait d’exaspérer la foule.
    — A mort ! A mort !… A la hart !… Au bûcher !…
    L’énorme hurlement funèbre se déchaîna plus violent, plus âpre, plus sauvage… Madeleine atteignait le bûcher qui lui était destiné !… Madeleine !… Flora… la fille aînée de Belgodère…
    Elle jeta autour d’elle un regard mourant qu’emplissait la suprême angoisse de la mort. Au même instant, elle fut saisie, harponnée par les mains de deux aides, enlevée, accrochée par le cou, et une acclamation furieuse retentit : Madeleine Fourcaud, vêtue de sa longue tunique blanche, se balançait au bout de la corde… Dans la même seconde, dix, vingt, cinquante forcenés se ruaient sur le bûcher, arrachaient les torches aux mains des bourreaux trop lents, et les jetaient dans les fascines.
    Une fumée blanche s’éleva, très droite, vers le ciel, puis, presque aussitôt, les flammes écarlates déchirèrent cette fumée. La tunique s’enflamma et tomba, retenue qu’elle était par un simple ruban : le corps de Madeleine apparut dans la sinistre impudeur de cette nudité faite par les flammes, uniquement vêtue dès lors de ces voiles rouges du feu qui l’enveloppait…
    Guise regardait et répétait :
    — Belle fille, par ma foi !

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