La Fausta
l’épouvante.
Maurevert… l’époux… n’accompagnait pas l’épousée !… Les deux femmes avaient pris l’inconnue vêtue de blanc, et la soutenaient ou plutôt l’emportaient évanouie. Elles passèrent près de Guise. Et à la faible lueur de cette lumière diffuse vaguement répandue dans l’église, il jeta un regard avide sur cette femme évanouie, sur cette épousée qu’on entraînait mourante. Et il étouffa une sorte de rugissement qui gronda sourdement dans sa gorge. Et une stupéfaction mêlée d’une sorte de terreur s’empara de ses sens. Il voulut s’élancer, et il se sentit comme cloué à la dalle…
Cette femme, c’était celle qu’il aimait à en devenir fou, c’était la petite bohémienne, c’était Violetta…
En quelques instants, l’église fut vide. Et Guise, revenu de sa stupeur, gronda dans un furieux mouvement de joie :
— Je la tiens ! elle est à moi !… »
Il allait s’élancer, lorsque, du fond du chœur, il vit venir deux hommes dont il reconnut l’un :
Maurevert ! L’épousé ! Le mari de Violetta !…
Que signifiait cet étrange, ce mystérieux mariage ? Pourquoi Maurevert venait-il d’épouser Violetta ? Il l’aimait donc en secret !… Ces questions tourbillonnèrent dans sa tête… Il voulait savoir !… Et il se renfonça dans son ombre, prêtant l’oreille à ce que disait Maurevert ou plutôt l’inconnu qui l’accompagnait…
Puisque Maurevert était là encore, Violetta, l’épousée, ne pouvait s’éloigner sans doute !… Les deux femmes qui l’emportaient la garderaient dans cette litière qu’il avait remarquée, jusqu’à l’arrivée de l’époux. Il allait donc savoir la vérité. Haletant, le front couvert de cette suée de la passion qui ressemble aux sueurs de l’angoisse et de l’agonie, à demi penché en avant, il écouta ardemment et, tout de suite, il reconnut la voix de l’inconnu… c’était la même voix qui avait ordonné que l’épousée attendît dans la litière, c’était Fausta.
— Donc, disait Fausta, vous passez au palais de la Cité, et vous y touchez les cent mille livres convenues. Pour le reste, fiez-vous à moi. Le duc sera roi dans un mois. Il oubliera alors la petite bohémienne. Et même, s’il apprenait ce qui vient de se passer, je vous garantis le pardon. Ce qui est dit est dit : vous serez capitaine des gardes de Sa Majesté Henri quatrième, roi de Lorraine et de France.
— Ah ! madame, fit Maurevert, la minute où je vous ai rencontrée est une minute à jamais bénie dans mon existence ! Comment pourrai-je m’acquitter envers vous ?…
— Je vous l’ai dit ! répondit Fausta d’une voix sombre.
— Oh ! soyez tranquille pour ce qui est convenu de cette petite…
— Donc, vous partez !
— Je pars. Mais vous savez, madame, qu’avant de quitter Paris, j’ai quelqu’un à voir.
Fausta hésita un instant. Puis d’une voix qui parut trembler légèrement, elle reprit :
— Allez donc voir cet homme, puisque vous le voulez !…
— Ah ! je renoncerais aux cent mille livres que vous me donnez si généreusement, à ce poste brillant que vous m’offrez à la future Cour de France, plutôt que de renoncer à cette joie de le voir enchaîné, enfin à ma merci !… Bussi-Leclerc m’attend dans la rue ; il va me conduire à la Bastille…
— Bien. Moi, cependant, je vous garderai votre… femme.
— Merci, madame ! ricana Maurevert. Et où la retrouverai-je ?
— Lorsque vous sortirez de la Bastille, lorsque vous serez passé à mon palais de la Cité, sortez de Paris et allez trouver l’abbesse des bénédictines de Montmartre. Elle vous remettra votre épouse… et vous donnera mes dernières instructions. Allez…
Guise vit Maurevert s’incliner profondément devant Fausta, baiser sa main puis s’élancer au-dehors. Il savait maintenant où retrouver Violetta ; il avait au moins deux ou trois heures devant lui. Il attendit donc. Fausta, pendant quelques minutes, demeura immobile et pensive. Guise l’entendit qui murmurait :
— Dois-je, moi aussi, aller à la Bastille ?
L’église, maintenant, était solitaire. Toutes ces ombres qui s’y étaient agitées s’étaient évanouies. Un long soupir s’exhala de la poitrine de Fausta : sans doute elle se croyait seule… Elle sortit enfin. Le Balafré sortit derrière elle et la suivit à distance. Fausta marcha jusqu’à la litière qu’entouraient une douzaine de cavaliers
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