La Fausta
le gouverneur ?… dit près de lui le sergent qui l’avait escorté chapeau bas.
— Plaît-il ? fit Pardaillan en se retournant étonné.
— Monsieur le gouverneur, voulez-vous me donner vos ordres ? Dois-je fermer les portes ?…
— Ah çà ! mon cher, à quel gouverneur parlez-vous ? dit Pardaillan.
— Mais, balbutia le sergent, à vous !… Car je suppose que vous êtes le nouveau gouverneur…
— Tiens ! fît Pardaillan qui se frappa le front ; J’allais justement oublier… Mon ami, faites-moi le plaisir d’aller à la tour du Nord et de délivrer ceux de vos camarades que j’y ai enfermés. Quant au gouverneur…
— Le gouverneur ! fit le sergent en claquant des dents.
— Eh oui ! M. de Bussi-Leclerc ! Vous le trouverez au cachot du deuxième sous-sol où il doit fort pester. Allez, mon ami, allez.
— Mais vous n’êtes pas le nouveau gouverneur ? rugit le sergent, blême d’épouvante devant ce qu’il entrevoyait.
— Moi ? fit Pardaillan avec cette froideur de glace qu’il avait dans les moments où il s’amusait à l’excès, moi ? je suis un prisonnier comme ces messieurs que vous avez poussés dehors. Et vous voyez, je fais comme eux, je m’en vais…
Le sergent demeura sur place, comme frappé de la foudre. Quand il reprit ses sens, Pardaillan et Charles étaient déjà loin.
— Dites à M. le gouverneur, cria Pardaillan, que je serai toujours son homme, quand il voudra sa revanche !…
— Aux armes, hurla le sergent en s’arrachant les cheveux. A la rébellion !…
Mais à ce moment, le chevalier et le jeune duc disparaissaient dans la rue Saint-Antoine. A demi fou, le sergent vociféra à une patrouille qui passait au pas de course d’entrer à la Bastille. Mais la patrouille courait aux remparts et ne s’inquiéta pas de ses cris. D’ailleurs, tout criait dans Paris. Et comme le soleil se levait, un étrange spectacle apparut aux yeux des rares Parisiens demeurés chez eux.
La plupart des maisons étaient barricadées ; dans les rues, les chaînes étaient tendues. Tout ce qui était valide était aux remparts. Et sur ces remparts, c’était une foule énorme, grouillante, interrogeant les horizons paisibles…
Le duc de Guise, posté à la porte Neuve qui était le point faible parce qu’on pouvait essayer de passer par la Seine, le duc de Guise avait concentré là ses meilleures troupes. Des cavaliers étaient partis hors du mur pour tâcher de reconnaître les forces royalistes…
Et peu à peu, ces éclaireurs revenaient l’un après l’autre… Et tous apportaient la même réponse…
— Pas de royalistes autour de Paris ! pas d’ennemis ! pas d’attaque !…
Mais alors !… D’où venait la panique ? Pourquoi le tocsin ? Quelle cloche avait commencé ? On ne savait. Guise, nerveux et pâle, finit par hausser les épaules, et grommela à Maurevert et à Maineville qui se trouvaient près de lui :
— Si nos Parisiens s’émeuvent ainsi pour l’ombre, que serait-ce s’ils voyaient le loup ? Allons, mes frères et ma mère ont raison, il faut partir !…
Les troupes rentrèrent ; la foule regagna l’intérieur de Paris, un peu penaude ; les chaînes furent décrochées ; les barricades furent démolies…
Guise regagna son hôtel et, sur son passage, le bruit se répandit qu’une grande procession allait s’organiser et que le fils de David, le grand Henri, Henri le Saint, allait trouver Valois.
Il était environ sept heures du matin quand Guise rentra dans son hôtel et ordonna de tout préparer à l’instant pour son départ à Chartres.
— Maurevert, vous nous accompagnez ! ajouta-t-il en le regardant fixement.
— Pourquoi ne serais-je pas du voyage, monseigneur ? fit Maurevert.
— Vous pourriez peut-être, que sais-je, avoir arrangé quelque partie… A l’abbaye de Montmartre, par exemple ?…
Maurevert pâlit. Guise s’approcha de lui, le toucha du bout du doigt au front, et d’une voix sourde que Maurevert seul entendit :
— Lors même que vous auriez cent mille livres, vous entendez, Maurevert, lors même que vous seriez assez riche pour me quitter, lors même que vous auriez accepté une mission de surveillance à Montmartre…
— Monseigneur !…
— Lors même que vous seriez bien et dûment marié — tu m’entends, Maurevert ! continua le duc en grinçant des dents —, je te défends de jamais chercher à lever les yeux sur celle que tu sais… Je te défends de me
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