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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Pardaillan et Charles d’Angoulême, en sortant de la Bastille, avaient enfilé la rue Saint-Antoine. Elle était pleine de groupes effarés qui criaient aux armes et couraient aux remparts. Grâce à cette foule, grâce à cet effarement, ils passèrent inaperçus dans les groupes. Au bout de cinq cents pas, Pardaillan s’arrêta soudain et s’accota à un mur.
    — Qu’avez-vous ? dit Charles. C’est l’émotion, n’est-ce pas, cher ami ?… ou plutôt… la perte du sang !…
    — Non, fit Pardaillan, j’ai faim, voilà tout !
    Et comme le jeune duc demeurait interloqué :
    — Eh ! pardieu, je voudrais vous y voir ! Voilà quarante-huit heures que je n’ai pas mangé !
    — Nous ne sommes pas loin de la rue des Barrés, dit Charles, mais j’ai tout lieu de supposer qu’après ce qui m’est arrivé mon hôtel est pour nous deux la retraite la moins sûre de tout Paris…
    — Au fait, dit Pardaillan qui, à ces mots, fit un effort pour surmonter sa faiblesse, que diable vous est-il arrivé ? Comment se fait-il que vous ayant laissé galopant le long de la Seine, et ayant entraîné à mes trousses toute la bande enragée, je vous aie retrouvé dûment embastillé ?
    — Entrons dans ce cabaret, fit Charles en poussant un soupir, et je vous raconterai mon malheur tout en nous restaurant de notre mieux ; car, ajouta-t-il, moi aussi j’ai faim.
    — Et soif ! conclut Pardaillan. J’enrage de soif… Un instant, mon duc ! Avez-vous de l’argent ? moi, je n’ai pas le moindre ducaton, le plus maigre liard [17] .
    Charles se fouilla vainement.
    — Les scélérats m’ont dépouillé, quand ils m’ont descendu dans leur cachot, dit-il.
    — En ce cas, dit froidement Pardaillan, il nous faut aller à votre hôtel, quoi qu’il en puisse advenir.
    Ils se dirigèrent donc vers la rue des Barrés que Pardaillan, d’un coup d’œil prompt et sûr, examina soigneusement avant que d’y pénétrer. La rue était parfaitement déserte et formait un recoin paisible dans la grande rumeur de Paris. Ils entrèrent dans l’hôtel où le chevalier se restaura séance tenante de deux grands coups de vin.
    Charles conduisit Pardaillan dans une chambre qui avait été la pièce où son père aimait à se reposer et où il couchait lorsqu’il avait peur de dormir au Louvre. Le jeune duc ouvrit une de ces vastes et profondes armoires sculptées, comme on en faisait dans ces temps. Là, il y avait des pourpoints, des chausses, des hauts-de-chausses, des justaucorps et des manteaux, de quoi habiller de pied en cap une douzaine de gentilshommes, costumes de velours, de drap, de soie, chapeaux et toques, cols à l’ancienne mode, écharpes…
    — Cher ami, dit le petit duc, voici des vêtements qui ont appartenu au feu roi Charles IX. Nul n’y a touché, sinon ma mère qui aimait à les sortir parfois de cette armoire, et se plaisait à les brosser elle-même. Vous êtes en loques. Voyez donc si, de toutes ces pièces, vous pourrez vous composer un costume.
    Pardaillan contempla la royale friperie, puis ramena son œil attendri sur le jeune duc.
    — Et vous ? fit-il.
    — Oh ! moi, je n’oserais toucher à ces reliques. Mais vous, Pardaillan…
    — Je vous remercie, monseigneur, dit le chevalier, avec cette extrême froideur de ses minutes d’émotion ; mais, si je ne me trompe, Sa Majesté Charles IX avait une finesse de taille qui…
    — C’est vrai ! fit Charles d’Angoulême, et je ne songeais plus que ces habits de roi sont trop petits pour vous.
    Il décrocha une de ces longues et solides rapières comme Charles IX, grand amateur d’armes, en possédait quelques-unes.
    — Prenez au moins cette épée que mon père, a portée, dit-il.
    — Ah ! pour cela, oui ! fit Pardaillan, qui examina la lame, la fit ployer, essaya la garde à sa main et, finalement, la ceignit avec une satisfaction qui fit briller de plaisir les yeux de Charles.
    Le jeune homme alors, passant dans sa chambre, se hâta de s’habiller, de pied en cap, car lui-même était en guenilles, si Pardaillan était en loques. Puis il rejoignit le chevalier en disant :
    — J’ai ordonné à mes gens de nous préparer un de ces bons dîners comme vous les aimez ; dans une demi-heure nous pourrons nous mettre à table, et nous causerons, Pardaillan… car nous avons bien des choses à nous dire.
    — Hum ! Nous causerons tout aussi bien dehors, et quant à dîner, nous nous contenterons de la cuisine du premier cabaret

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