La fée Morgane
Fort bien, dit
la jeune fille, je vais aller prévenir mon maître. – Je suis prêt, ajouta
Arthur. Le plus tôt sera le mieux, pourvu qu’on me fournisse un cheval et des armes.
– Tu les auras. »
Arthur regardait la jeune fille avec beaucoup d’attention.
« Il me semble, dit-il, que je t’ai déjà vue à la cour. – Tu te trompes, seigneur,
répondit-elle, car je n’y suis jamais allée. Si tu veux le savoir, je suis la
fille de Damas, le seigneur de ce château. » Elle mentait, cependant. En
réalité, c’était l’une des suivantes de Morgane et elle était toute dévouée à
sa maîtresse.
Elle quitta Arthur et vint auprès de Damas, lui annonçant
que le prisonnier avait accepté de combattre pour lui. Damas vint le trouver et
lui demanda de s’engager par serment à être son champion contre son frère. Arthur
ne voulut prêter ce serment que lorsque Damas se fut engagé à libérer ses
prisonniers immédiatement. Alors les vingt chevaliers furent tirés de leur
sombre prison et conduits dans la grande salle du château. Et on leur promit qu’ils
pourraient assister à la rencontre.
Quant à Accolon de Gaule, lorsqu’il se réveilla ce matin-là,
il s’aperçut qu’il se trouvait au bord d’un puits très profond dans lequel, dans
son sommeil, il aurait pu tomber et mourir noyé. Il se redressa, ne comprenant
rien à ce qui s’était passé. Où étaient donc les jeunes filles qui les avaient
servis sur le navire, et où était le navire ? Que faisait-il là lui-même
au bord de ce puits ? « Dieu soit béni de m’avoir sauvé ! s’écria-t-il,
mais qu’il sauve également le roi Arthur et le roi Uryen ! Où sont-ils à
présent et que leur est-il arrivé ? Par Dieu tout-puissant, ce sont les
jeunes filles du navire qui nous ont joué ce mauvais tour : c’étaient des
diables et non des femmes, j’en suis bien convaincu. Et si je peux me tirer de
cette affaire, je les détruirai toutes, ces fausses femmes qui usent de
sortilèges ! »
Il venait à peine de prononcer ces paroles qu’il vit arriver
un nain qui avait une grande bouche et un gros nez. Le nain salua Accolon et
lui dit qu’il venait lui porter un message de la reine Morgane. « Elle t’envoie
son plus fidèle salut, dit-il, et elle souhaite que ton cœur soit aussi
vaillant qu’autrefois, car tu devras combattre demain matin un bon et fier
chevalier. Mais elle te fait dire que tu ne risques pas d’être vaincu dans ce
combat grâce aux précautions qu’elle a prises. Elle te fera en effet parvenir l’épée
d’Arthur, Excalibur, qui est invincible, et cela, elle le fait pour l’amour de
toi. Cependant, souviens-toi d’un serment que tu lui as fait, lorsque vous
étiez tous les deux ensemble : tu lui as juré que lorsque tu combattrais
en son nom, tu ne ferais jamais grâce à un adversaire et que tu le tuerais, quelles
que fussent ses supplications. C’est pour te rappeler que tu dois aller jusqu’au
bout de ce combat et que ton adversaire doit mourir. – Je comprends bien, dit
Accolon. Sois assuré que je tiendrai parole et que je respecterai le serment
que je lui ai fait puisqu’elle a la bonté de me donner l’épée d’Arthur. Mais
dis-moi, quand donc as-tu vu ma dame, la reine Morgane ? – Il n’y a pas
longtemps », répondit le nain. Accolon prit le nain dans ses bras et lui
dit : « Recommande-moi à ma dame la reine et répète-lui bien que je
ferai pour elle tout ce que j’ai promis, à moins que je ne meure dans cette
affaire. Maintenant, dis-moi encore : je suppose que ce qui nous est
arrivé hier et cette nuit, au roi Arthur, au roi Uryen et à moi-même, n’était
que sortilèges pour en arriver à cette bataille ? – Tu dis vrai », répondit
le nain. À ce moment, arrivèrent un chevalier et une dame, avec six écuyers. Ils
saluèrent Accolon et le prièrent de venir avec eux dans leur manoir. Ils le
firent monter sur un bon cheval et l’emmenèrent à un petit manoir situé non
loin d’un monastère. Là, on lui souhaita la bienvenue, et il fut traité avec
les plus grands égards.
Cependant, Damas, qui se réjouissait fort d’avoir enfin
trouvé un champion pour se battre à sa place, mais qui ignorait complètement
que son prisonnier était le roi Arthur, envoya un messager vers son frère
Onslak pour lui dire que le combat aurait lieu le lendemain matin. Or, lorsque
le message fut transmis à Onslak, celui-ci était fort mal en point : il
avait été
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