La fée Morgane
vie.
Les deux combattants s’acharnaient maintenant l’un sur l’autre
avec rage. Leur bouclier en avant, l’épée dressée et près de s’abattre, ils se
heurtèrent dans un tel élan qu’ils se retrouvèrent tous deux une nouvelle fois
à terre. Se relevant immédiatement, ils se frappèrent sans pitié, mais chaque
fois que l’épée que tenait Arthur touchait son adversaire, elle glissait sans
lui faire aucun mal, tandis que lorsque Accolon frappait Arthur, il le
tailladait et lui faisait couler le sang. Arthur commença à se douter qu’il y
avait trahison et que l’épée qu’il brandissait n’était pas Excalibur. Jamais, au
cours d’une bataille, il n’avait eu tant de peine à parer les coups, jamais il
n’avait senti une lame aussi faible que celle qu’il tenait. « Chevalier !
s’écria Accolon, garde-toi de moi ! » Et il s’élança furieusement
contre Arthur. Celui-ci se baissa et, en grande souplesse, esquiva le coup
avant de répliquer à son tour. Mais il n’arrivait pas à toucher Accolon et s’épuisait
en vain à le poursuivre, tandis que son propre corps souffrait des blessures
que l’autre lui infligeait. Arthur se sentait faiblir. « Laisse-moi reprendre
mon souffle un moment, chevalier ! s’écria-t-il. – Ce n’est pas le moment !
répliqua durement Accolon qui ne voulait pas perdre son avantage. Ou alors, ajouta-t-il,
avoue-toi vaincu ! – Tant que j’aurai un souffle de vie, je te résisterai !
répondit Arthur. – Très bien ! Il en sera comme tu voudras. Prépare-toi à
mourir ! » Accolon s’élança, bien décidé à en finir. Les deux épées
se heurtèrent, et celle que tenait Arthur se brisa, ne laissant dans sa main
que le pommeau. Ainsi, Arthur n’eut plus aucun doute : cette épée-là n’était
pas Excalibur.
Il n’eut plus d’autre ressource que de frapper son
adversaire de son bouclier, mais le bouclier éclata, et, dans son élan, Arthur
fit un faux pas et tomba lourdement sur le sol. Accolon bondit alors et leva son
épée pour le frapper. « Chevalier ! cria Arthur, on ne frappe pas un
homme désarmé qui gît par terre ! » Accolon s’arrêta net dans son
élan. « Alors, relève-toi, dit-il, et finissons-en ! » Arthur se
redressa péniblement, tant la souffrance et la fatigue l’accablaient. Il avait
saisi un tronçon de la lame qui s’était brisée et se disposait à faire payer
très cher la victoire probable de son adversaire. Il se ramassa sur lui-même, saisit
la lame à deux mains comme on fait d’un bâton et attendit le choc. Accolon
bondissait, sûr de lui, et tous ceux qui assistaient au combat étaient saisis
de pitié en voyant Arthur si faible et si désemparé. Mais, inexplicablement, au
moment où il allait porter le coup fatal, l’épée que tenait Accolon lui échappa
des mains et, après avoir tournoyé dans les airs, retomba sur le sol derrière
Arthur. C’était la Dame du Lac qui, voyant qu’Arthur en était à toute extrémité,
avait lancé un charme sur les combattants. Accolon, qui ne s’attendait pas à
perdre ainsi son arme, s’arrêta net dans son élan. Alors Arthur, dans un dernier
sursaut d’énergie, se précipita sur l’épée et la saisit entre ses mains
puissantes, se retournant immédiatement et faisant front. Il savait maintenant
que la véritable Excalibur était celle qu’il tenait. À présent, il se sentait
devenir fort et il en oubliait son sang qui coulait. « Chevalier ! s’écria-t-il,
tu m’as causé grand dommage avec cette épée qui ne t’était pas destinée ! Mais,
maintenant, c’est moi qui l’ai en main et je sais que tu vas mourir ! »
Et Arthur, plein de courage et de confiance, bondit sur son adversaire et lui
donna un tel coup sur le heaume qu’il tomba à demi assommé. Arthur lui dit :
« Je ne frapperai pas un adversaire désarmé qui gît à terre ! Relève-toi ! »
Accolon eut beaucoup de mal à se remettre debout, mais quand il y fut parvenu, Arthur
s’élança et lui donna un tel coup sur la tête que le sang lui jaillit de ses
oreilles, de son nez et de sa bouche. Il s’effondra sur le sol en criant :
« Tue-moi maintenant ! Je reconnais que tu es le meilleur chevalier
que j’aie jamais connu, et je vois bien que Dieu est avec toi. Mais j’avais
fait le serment de tenir cette bataille jusqu’au bout. Je vais mourir, c’est
vrai, mais personne ne pourra dire que j’ai manqué à mon serment. Que Dieu fasse
de moi ce
Weitere Kostenlose Bücher