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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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rivage de la mer, à l’endroit où s’ouvre l’estuaire.
Il y a là un promontoire qui s’avance au milieu des eaux. Tu y trouveras une
barque, tu y monteras et tu te laisseras aller où le destin te mènera. C’est
tout ce que je peux faire pour toi, seigneur, et je te recommande à la grâce de
Dieu. » Ayant ainsi parlé, Morgane quitta Guigemer, le laissant à ses
pensées tumultueuses et contradictoires. « Suis-je en pleine diablerie ? »
se dit-il. Cependant, il sentait que l’espoir renaissait en lui.
    Le lendemain matin, avant l’aube, il se leva avec beaucoup
de difficultés et, sans se faire remarquer de quiconque, il s’en alla aux
écuries, choisit un cheval rapide, monta en selle et s’éloigna vers le rivage. Il
arriva ainsi sur le bord d’une falaise et vit le promontoire et l’estuaire dont
lui avait parlé Morgane. C’est vers le promontoire qu’il se dirigea. En
gémissant, car sa plaie le faisait terriblement souffrir, il descendit de son
cheval et s’engagea sur un étroit sentier. Il y avait là une crique très abritée,
que l’on ne voyait même pas du haut de la falaise, et dans cette crique il
aperçut un petit bateau dont la voile battait au vent.
    Guigemer s’étonna fort de la présence de cette barque mais, sans
plus attendre, il se hissa à bord. Il pensait y trouver des hommes chargés de
sa garde, mais il n’y avait personne. La barque était en très bon état, si
parfaitement enduite de poix au-dedans et au-dehors qu’on n’aurait pu y trouver
la moindre jointure. Les chevilles et les crampons étaient en ébène, et la
voile était en soie très solide. Au milieu de la barque était dressé un lit
dont les pieds et les côtés étaient incrustés d’or, de cyprès et d’ivoire très
blanc. La couverture était en zibeline, voilée de pourpre d’Alexandrie. La
couette qui la recouvrait était en drap de soie broché d’or. Quant à l’oreiller,
il était si doux qu’il semblait un nuage. À la proue de la barque, il y avait
deux chandeliers et, dans chacun, un cierge était allumé.
    Guigemer s’émerveillait de ce qu’il voyait. Mais, comme la
douleur de sa blessure le rappelait cruellement à la réalité, il s’étendit sur
le lit afin de s’y reposer, car l’effort qu’il avait accompli avait été rude. Puis
il se souleva, espérant voir quelqu’un venir pour s’occuper du bateau. Il s’aperçut
alors que la barque était en haute mer. Elle l’emportait, fendait les flots à
grande allure. Il la sentait à peine se balancer sur les vagues. Le vent était
doux et gonflait la voile, et de grands oiseaux blancs tourbillonnaient dans
son sillage.
    Guigemer ne savait que penser. Qu’allait-il devenir dans
cette barque qui s’en allait ainsi au gré des flots sans personne pour la
diriger ? Il souffrait toujours autant. Alors, il pria Dieu de le protéger,
de le mener à bon port par sa puissance et de le défendre de tout péril. Puis, il
se recoucha et tomba bientôt dans un profond sommeil.
    Or, dans une île, au grand large, il y avait une antique
cité dont le seigneur était un très vieil homme. Il avait pour femme une dame
de haut lignage, franche, courtoise et très belle. Mais, il était jaloux d’une
façon démesurée. Car c’est une loi de la nature que les hommes âgés redoutent d’être
trompés. Il faisait donc surveiller sa femme avec beaucoup de rigueur. Sous le
donjon, un verger clos de toutes parts descendait vers la mer. L’enceinte était
en marbre vert, haute et très épaisse, avec une seule entrée où, nuit et jour, des
gardes armés veillaient. À l’autre bout, s’étendait la mer, et personne ne
pouvait arriver de ce côté, sauf en bateau.
    C’est dans ce verger que le seigneur, pour mettre sa femme
en lieu sûr, avait fait construire une demeure. Sous le ciel, il n’en était
certes pas de plus belle : à l’entrée, une chapelle. Pour accéder à la
chambre, il y avait un couloir sur les murs duquel on avait peint des histoires
du temps passé. C’est dans cette chambre que la dame était contrainte de
résider. Le seigneur lui avait donné pour compagne une jeune fille noble et
parfaitement élevée, sa nièce, la fille de sa sœur, et une grande amitié s’était
établie entre les deux femmes. Elles se promenaient ensemble dans le verger, devisant
à loisir, et partageaient le même repas. Tant qu’elles n’étaient pas rentrées
dans la demeure, personne, homme ou femme, ne pouvait

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