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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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jeune fille quitta la galerie et se dirigea vers Bohort.
« Seigneur chevalier, lui dit-elle, donne-moi ton bouclier. – Et pourquoi
donc ? » demanda Bohort, très étonné par cette demande. La jeune
fille se mit à rire et répondit : « Parce qu’il me servirait
certainement mieux qu’à toi : je l’attacherais à la queue de mon cheval
pour l’amour des bons chevaliers qui regardent les tournois sans rien
entreprendre qui puisse plaire aux dames qui les regardent ! » Bohort
rougit et demeura d’abord interdit. Puis, sans dire un mot, il remit son heaume,
baissa la tête, et piquant des éperons, se précipita dans le champ, la lance en
avant. En le voyant ainsi approcher, plusieurs chevaliers vinrent à sa rencontre,
mais il renversa le premier homme qui s’opposa à lui, fit voler le second à
terre par-dessus la croupe de son cheval, brisa sa lance en abattant un
troisième, tira son épée et plongea dans la mêlée où il manifesta tant d’adresse
qu’au bout d’un moment, aucun adversaire, quelle que fût sa fierté, n’osa plus
se mesurer à lui.
    La fille du roi Brangore dit aux femmes qui l’entouraient :
« Que vous semble de ce chevalier inconnu ? – Il peut bien dire que
Dieu lui a donné autant de prouesse que de beauté ! » répondirent-elles.
La fille du roi reprit : « Écoutez-moi bien : nous devons élire
un chevalier pour qu’il vienne s’asseoir en grand honneur dans la chaire d’or, à
la table des douze pairs, au milieu de cette prairie. Auprès de lui doivent
prendre place les douze meilleurs chevaliers du tournoi. C’est notre coutume. Choisissons
donc ceux à qui nous accorderons cet honneur, car c’est pour cette raison que
nous sommes ici. »
    Elles furent unanimes à répondre que ce chevalier inconnu
était l’incontestable vainqueur de la rencontre. Puis elles se mirent d’accord
pour désigner les douze champions qui avaient le mieux combattu après lui. Alors,
le roi Brangore arrêta le tournoi et appela Bohort auprès de lui en lui
manifestant tant de joie et de sympathie que le jeune homme en eut presque
honte. Les jeunes filles l’emmenèrent pour le désarmer et pour lui laver le
corps et le visage. Enfin, la fille du roi le revêtit, presque de force tant il
s’en défendait, d’une riche robe de soie vermeille fourrée d’hermine.
    Pendant ce temps, le roi faisait tendre un pavillon, car la
chaleur était grande, et l’on apporta la chaire d’or et la table des douze
pairs. Mais quand Bohort fut assis dans cette chaire, il devint tout rouge de
confusion, ce qui le rendit encore plus beau à tous ceux qui le regardaient. Les
douze chevaliers élus lui servirent le premier mets à genoux, puis ils se
mirent tous à table. Le second mets lui fut présenté par les dames, le
troisième par le roi et ses barons, et tous les autres qui suivirent par les
jeunes filles. Mais ce fut la fille du roi qui apporta le dernier, qui était
fait des épices les plus fines et les plus rares. Ensuite, les musiciens se
mirent à jouer, tandis que les rondes commençaient dans la prairie. Les dames
et les jeunes filles, qui étaient plus d’une centaine, allèrent y danser en
chantant.
    Toutes étaient avenantes et richement habillées, mais ceux
qui regardaient la fille du roi Brangore pensaient que jamais plus belle
créature n’était née depuis la Vierge Marie. Et non seulement elle était une
fleur de beauté, mais elle avait reçu une éducation des plus soignées : elle
s’entendait merveilleusement à broder des draps de soie et d’or, elle savait
lire, écrire, connaissait le latin, savait jouer de la harpe, chanter les chansons
de tous les pays ainsi que les lais bretons. Sa science et son élégance étaient
telles que plus d’un chevalier aurait bien voulu la prendre pour épouse.
    « Seigneur, dit le roi à Bohort, ta valeur t’a fait
élire comme le meilleur chevalier de ce tournoi. Non seulement tu as obtenu l’honneur
de siéger dans cette chaire, mais tu as également gagné le droit de pouvoir
prendre la plus belle et la plus charmante de ces jeunes filles de ton choix, avec
tout ce que cela comporte d’honneurs et de richesses. Et il te faut, en plus, donner
à ces douze champions les douze jeunes filles que tu voudras. – Roi, demanda
Bohort, s’il arrivait que le chevalier à qui revient cet honneur, et que tu dis
le meilleur, ne voulût point prendre femme, qu’en serait-il ? – Par ma foi,
il serait libre de faire

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