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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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mort, je
me ressentirai de ta cruauté, car j’ai la certitude que tu me tueras de ta
propre main ! »
    Le visage de Mordret était devenu rouge de colère. « Par
Dieu, vieillard, s’écria-t-il, tu as menti sur certains points mais tu as dit
la vérité sur d’autres ! En disant que tu allais mourir de ma main, certes,
tu n’as pas menti, et ta prophétie sera en partie exacte ! – Par Dieu
tout-puissant, dit le vieillard, attends au moins que j’aie parlé à Lancelot et
à Bohort ! Ensuite, tu agiras à ta guise. – Que jamais Dieu ne me vienne
en aide, hurla Mordret, si tu mens encore à mon sujet ou au sujet d’autrui ! »
Il dégaina son épée et assena au vieillard un coup si rude qu’il lui fit voler
la tête. Le corps du malheureux s’écroula de tout son long, sans plus bouger.
    « Ah, Mordret ! s’écria Lancelot. Tu as bien mal
agi et commis un horrible meurtre en tuant ainsi ce vieillard innocent ! Par
Dieu tout-puissant, cela ne te portera pas bonheur et tu n’en recueilleras que
honte et déshonneur ! – N’as-tu pas entendu quelles diableries il me
disait ? Par Dieu, je regrette de ne pas l’avoir tué plus tôt : il n’aurait
pas raconté tant de sottises ! » Lancelot, en regardant le corps du
vieillard, s’aperçut qu’il tenait une lettre dans sa main crispée. Il descendit
de cheval, et sans que Mordret le remarquât, il l’enleva et la glissa sous son
manteau afin que personne ne la vît. Puis il dit à Mordret : « Désormais,
Mordret, tu n’as pas intérêt à te trouver en ma présence, car je serais
vraiment trop tenté de te reprocher devant tout le monde l’acte que tu viens de
commettre ! Va-t’en ! Laisse-moi seul avec Bohort ! »
Mordret regarda Lancelot avec une sorte de haine mêlée de crainte. Mais il ne
dit rien. Piquant des deux, il s’éloigna et disparut rapidement.
    Infiniment troublés, Lancelot et Bohort allèrent trouver le
prêtre qui desservait l’église, lui expliquèrent ce qui s’était passé et lui
demandèrent d’ensevelir le corps du vieillard. Une fois la messe dite, et l’absoute
donnée, on l’enterra près de la tombe de marbre, à l’endroit même où il avait
été tué. Et Lancelot fit placer un panneau sur lequel étaient écrits ces mots :
« Ci-gît un saint homme qui succomba à la colère de Mordret d’Orcanie. »
Puis, sans même se faire remarquer de Bohort, Lancelot sortit la lettre qu’il
avait prise dans la main du vieillard et la déchiffra. Et voici ce qu’il put
lire : « Téméraire Mordret de la main duquel je dois mourir, sache
que le roi Arthur qui t’engendra dans la femme du roi Loth d’Orcanie ne te
traitera pas avec moins de rigueur que tu ne m’as traité. Si tu m’as tranché la
tête, il te transpercera le corps d’un coup si impitoyable que les rayons du
soleil passeront au travers. Dieu ne permettra ce coup hors du commun que pour
toi seul, et alors s’effondrera le grand orgueil de la chevalerie de Bretagne
car, à partir de ce jour-là, personne ne verra plus le roi Arthur autrement qu’en
songe. »
    Lancelot lut et relut attentivement la lettre. Ce qu’il
avait appris du roi Arthur l’envahit d’une profonde émotion. Il avait en effet
la plus sincère affection pour le roi parce qu’il avait rencontré en lui plus
de bonté et de courtoisie qu’en aucun autre homme au monde. Et il regretta de
ne pas avoir lui-même tué Mordret, autant pour que la prophétie ne s’accomplît
pas que pour le punir du meurtre horrible qu’il venait de commettre.
    Cependant, Lancelot ne dit pas un mot de ce qui était écrit
sur la lettre. Il préférait garder pour lui le terrible secret qui venait de
lui être révélé. Mais, à présent, il savait qu’il mettrait tout en œuvre pour
combattre les entreprises de Mordret. Il dit seulement à Bohort qu’il fallait s’efforcer
d’oublier la scène pénible dont ils avaient été les témoins. Puis, ils se
remirent en selle et chevauchèrent pendant une grande partie de la journée, se
reposant à peine près des sources qu’ils rencontraient, et s’en allant toujours
plus avant dans cette forêt qu’on appelait la Forêt Périlleuse. Et, le soir
tombait lorsqu’ils aperçurent, à travers les branches, de grandes flammes et qu’ils
entendirent une voix de femme appeler au secours. Ils se précipitèrent tous
deux dans cette direction et virent un cavalier qui tentait d’emmener une jeune
fille sur sa monture.

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