La Femme Celte
aussi l’amoureuse aventure avec la reine Yseult. Peredur poursuit sa course errante
vers le château du Graal, guidé par les différentes apparitions de l’ Impératrice . Cûchulainn, pour s’emparer de la
forteresse de Cûroi (le Chien-Roi de l’Autre Monde), doit auparavant séduire
Blathnait, l’épouse de Cûroi, donc la reine de
l’Autre Monde. Et quand le même Cûchulainn va dans l’Autre Monde, c’est à
l’appel de la reine Fand, et pour l’amour
d’elle. Combien d’autres exemples pourraient être donnés, ne seraient-ce que
celui des mystérieuses pucelles qui attendent les voyageurs dans quelque château,
sur la route obscure et sinueuse sur laquelle s’avance tout héros d’aventures,
c’est-à-dire tout héros en quête de l’union sacrée qui le fera roi lui-même. Car le héros, même si c’est un héros
de culture, donc un héros de l’ordre mâle, est à l’image de Çiva : il ne
peut rien faire seul. Il n’est que passivité.
C’est aussi pour cette raison qu’on découvre dans toutes les
légendes celtiques des identifications du fils à la Mère. Car l’identification
du fils à la mère, comme celle de l’amant à l’amante, est une sorte de
substitut psychique au hiérogame. De là viennent les couples étranges de
l’ancienne mythologie : Mabon et sa mère Modron, puis Owein-Yvain et sa
mère Modron ; Rhiannon et son fils Pryderi. Bien souvent le souvenir de
ces couples n’est plus que dans la terminologie : Gwyddyon fils de la
déesse Dôn, Conchobar fils de la femme guerrière Ness ; le couple
mère-fils, trop choquant, trop provocateur dans une société paternaliste, a été
remplacé par le couple amant-amante, dans lequel se produit cependant la même
identification. L’amour qui unit deux êtres comme Tristan et Yseult, comme
Diarmaid et Grainé, comme Étain et Mider, est la péripétie symbolique par
laquelle les amants accèdent à la nature divine : le thème est celui, déjà
très ancien, du mortel qui obtient les faveurs de la déesse, et par conséquent
se hisse au stade du divin, la déesse étant symbolisée par la Femme Aimée,
l’Amante Idéale, la Maîtresse fatale, la Fée aux multiples visages, celle que
chantaient les troubadours, la Dame toute-puissante souveraine.
C’est dans cet esprit que de nombreux cultes attestent une
certaine féminisation du prêtre. Il porte, surtout pour les cérémonies, un
habit nettement d’origine féminine, avec des parures qui ne le sont pas moins.
Et ce qui est vrai du prêtre catholique l’est encore plus des prêtres des
anciens cultes, toujours représentés en robe, tranchant nettement avec le
commun des mortels. Dans certains cas, il y a même plus qu’une imitation
extérieure, il y a identification pure, ce qui est parfaitement logique quand
on songe que le prêtre de n’importe quelle religion doit s’identifier à la
divinité. Hérodote, fort bien renseigné sur les cultes mystérieux de l’Orient,
raconte que des prêtres scythes (et l’on sait le rapport d’origine des Scythes
et des Celtes), les Ennarées, étaient des hermaphrodites. Ils prédisaient
l’avenir, comme les druides, à l’aide d’une baguette de saule (les druides
utilisaient plus volontiers la baguette d’if ou de sorbier), et ils tenaient
leur don de divination de la déesse Aphrodite. En effet, les Scythes, au cours
d’une expédition en Syrie, avaient pillé le temple d’Aphrodite Ourania à
Ascalon, et pour les punir, la déesse leur avait infligé une « maladie de
femme » qui devint héréditaire [181] .
On pense tout de suite à la fameuse « maladie des
Ulates », infligée aux habitants d’Ulster par la déesse Macha en punition
de l’affront que ceux-ci lui avaient causé. Mais les ennarées scythes ont autre chose en commun avec les Celtes, car leur nom semble provenir
du nom de la déesse indienne et hittite, donc indo-européenne, Inara, qui est
une sorte de Calypso qui séduit un mortel et le séquestre dans sa demeure.
Le thème, bien connu des poètes courtois et des poètes de la
Renaissance, est celui de l’ amant captif .
Outre qu’il se trouve magnifiquement étalé dans l’Odyssée, à deux reprises,
grâce à Calypso et à Circé, il est un des éléments les plus courants non
seulement dans la littérature galloise ou irlandaise, mais encore dans le
folklore celtique. De nombreuses chansons irlandaises sont des lamentations
d’une fée qui n’a pas pu retenir
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