La Femme Celte
plus propices à l’épanouissement de la société humaine.
Tout cela n’est qu’une gigantesque duperie dont les Fils et les Filles font les frais. L’éducation ancienne
qui plaçait la fille, non pas sous un état d’angoisse, mais sous un état de
terreur (« Ne regarde pas les hommes, ne fais pas cela, c’est réservé aux
hommes. La politique, cela regarde les hommes, pas les femmes. Les femmes
doivent retenir un homme en le soignant bien. Les femmes doivent être
réservées, pudiques, et surtout elles ne doivent pas être sensuelles,
etc. »), a si bien réussi qu’elle a placé les filles sous un état de
dépendance totale et d’aliénation psychique. Mais lorsque les filles ouvrent
les yeux et s’aperçoivent de ce que la loi du Père a fait d’elles – avec la
complicité inconsciente de la Mère –, la révolte est possible.
Mais si révolte morale il y a, il est difficile d’imaginer
les modalités de son application réelle, puisque tout est prévu pour
l’empêcher. La révolte de Sin contre l’autorité royale n’est donc réalisable
que par la ruse. D’où la méfiance que traduisent toutes les traditions
vis-à-vis de l’hypocrisie de la femme, qui utilise des moyens détournés pour
arriver à ses fins. Une telle attitude est quand même surprenante : ce
sont les règlements de la société paternaliste qui obligent la femme à se
servir de ces moyens. Le tout, pour la société, est de cataloguer la fille qui
se révolte comme un monstre d’ingratitude, ou un monstre tout court, voire un
être doué de pouvoirs magiques maléfiques : nous revenons à la sorcière,
qui est bien pratique, parce qu’on la condamne toujours au bûcher, sans
explication superflue.
Certes, la révolte, telle que Sin la réalise, est complète :
elle concilie la ruse (sorcellerie), le charme (au sens faible du mot) et
l’intelligence. Non seulement Sin assure son propre triomphe, mais elle conduit
le Roi-Père à sa déchéance : elle caricature l’autorité, elle montre à qui
veut bien le comprendre le vrai visage du héros de
culture tel que la société l’a forgé, hors du commun et pourtant faible
comme un enfant, un être bourré de prétention et gonflé de vent [243] .
La leçon est sévère.
Il arrive cependant que des héros
de culture se fassent, accidentellement, les complices de la révolte
féminine. Le thème le plus ancien paraît être la légende rapportée par le Rig-Véda , et selon laquelle Indra délivre les vaches
enfermées par les Panis dans une caverne. Il
est facile de décrypter le mythe : il s’agit pour Indra de vaincre la
répugnance anti-féminine qui avait rejeté les vaches (= les femmes) dans
l’obscurité de la caverne, d’explorer cette caverne (c’est-à-dire d’explorer le
vagin) et de faire sortir les femmes à la lumière du jour (les libérer vaginalement)
pour permettre à leur sexualité de s’exprimer ouvertement, et par là-même, pour
les désaliéner. La même aventure arrive, dans l’ Avesta iranien, à Thraetana, qui délivre d’une grotte deux jeunes filles d’une
merveilleuse beauté. Quant à Tite-Live, il se fait l’écho du mythe d’Indra à
propos d’Hercule, lequel, on le sait, a conservé dans le cadre gréco-latin, des
éléments du caractère originel d’Indra : le berger Cacus ayant dérobé et
enfermé dans une caverne le troupeau d’Hercule qui s’était endormi, le héros ne
sait plus ce que sont devenues ses vaches, car Cacus a pris soin de les faire
entrer à reculons dans la caverne. Cette ruse va bien au-delà d’une simple
astuce : il s’agit d’une véritable inversion, d’un changement complet de
polarité par lequel Cacus aliène la personnalité féminine. Mais averti par un
meuglement surgi de la caverne, Hercule tue Cacus et libère les vaches
(Tite-Live, 1,7).
Dans le domaine celtique, l’histoire qui rappelle le plus
cette légende d’Indra-Hercule est l’aventure qui arrive au héros Cûchulainn, à
la fin d’un texte assez récent par la forme mais qui est très archaïque par le
contenu, l’ Éducation de Cûchulainn . Au retour
de son séjour en Écosse où il s’est perfectionné dans l’art guerrier, Cûchulainn
aperçoit sur le rivage une jeune fille seule qui lui explique qu’elle est
livrée, comme tribut, par le roi son père, aux Fomorés, ce peuple mythique de
la Mer, ennemi des Gaëls et des Tuatha Dé Danann. Cûchulainn tue le géant
Fomoré et libère ainsi la
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