La Femme Celte
humaine rénovée. Étant donné les tabous et les interdictions de la société paternaliste, ce n’est que dans l’ombre que
peuvent se manifester de telles révoltes. Ainsi le Christianisme a-t-il
commencé par être une société secrète, car il n’avait pas sa place dans l’état
romain hiérarchisé et patriarcal. Le Christianisme qui reposait sur le couple
Mère-Fils (réintroduction de l’amour et équilibre entre l’homme et la femme)
était essentiellement contre la société paternaliste romaine puisque le premier
précepte du Christ était « aimez-vous les uns les autres », principe
contradictoire avec la notion de guerre et de tension agressive, soutien majeur
de la société paternaliste. Les Romains ne s’y sont pas trompés [244] :
d’où les persécutions sanglantes contre les Chrétiens, accusés surtout de refuser de sacrifier aux dieux de l’État
romain , c’est-à-dire de rejeter le patriotisme (et dans patriotisme, il
y a le mot père). Le Christianisme n’est devenu officiel et n’a pu s’étaler au
grand jour qu’à partir du moment où il a été récupéré par le Pouvoir et où il a
coïncidé avec les cadres juridiques romains. Mais, détourné au profit de ce
pouvoir, il a perdu de ce fait tout son contenu idéologique révolutionnaire.
Depuis lors le christianisme, en prêchant l’obéissance à l’ordre établi, et en
culpabilisant la femme, est devenu le soutien le plus zélé de la société paternaliste.
Pourtant, à l’intérieur même du Christianisme, sans parler
de la tendance à reconstituer l’antique Déesse-Mère sous les traits de la
Vierge Marie, sont apparues un grand nombre d’hérésies qui tentaient de
concrétiser la révolte féminine. On peut parler à ce propos de la secte
gnostique des Phibionites qui se développa au III e siècle
et dont l’essentiel de la Cène rituelle
consistait en l’ingestion non seulement du sperme mâle, mais aussi des produits
féminins, le sang menstruel notamment. Les Phibionites refusaient la
procréation et, ce faisant, libéraient la sexualité de toutes fins matérielles,
ce qui, bien entendu redonnait à la femme la jouissance entière de son propre
corps. Tout cela reposait d’ailleurs sur le syllogisme des Antitactes et des
Nicolaïtes, lui-même emprunté à des souvenirs manichéens, et qui sera la base
de la mystique cathare au XII e siècle, à
savoir que « tout ce qui a été créé par Dieu était bon, mais qu’un dieu
inférieur (le diable) y a mis le mal ; par conséquent, pour combattre le
mal, il faut détruire la création, d’où la contraception et l’avortement [245] ».
Quant aux messes noires , elles sont sensiblement
différentes de celles décrites dans les ouvrages qui se veulent sensationnels à
tout prix. Quelque étranges que puissent être les motivations de ceux qui
assistent à de telles cérémonies, et si dépravées que soient ces cérémonies,
une analyse profonde fait apparaître une volonté délibérée d’aller contre le
déroulement normal de la société masculine et paternaliste considérée comme
répressive, et une tentative désespérée pour retrouver un ordre ancien quelque
peu gynécocratique. Le fait que ce soit une femme qui serve d’autel, et
l’adoration de la femme, notamment de ses parties sexuelles, sont des preuves
suffisantes. Il en est de même pour la « messe à rebours », qui consiste
à dire les textes sacrés de la messe en commençant par la fin, et qui, dans un
contexte délibérément blasphématoire, est un essai de retour aux origines,
avant que le grand dieu mâle des Juifs n’assurât sa domination sur le monde
euro-méditerranéen. Ce sont des cultes diaboliques, certes, mais dans la mesure
où le diable , au sens étymologique du mot, est
celui qui « se jette en travers », qui empêche les choses de tourner
selon la norme en usage. Mais ce serait une erreur de considérer les « messes
noires » et les cultes dits diaboliques comme des adorations du Mal :
ce sont seulement des négations de l’ordre établi, et symboliquement de Celui
qui se réfère à cet ordre, c’est-à-dire le dieu judéo-chrétien. On peut parler alors
de blasphème. Mais qui ne blasphème pas en niant la valeur de ce qui est admis
et enseigné ?
La tradition celtique nous fournit à propos de blasphème un
sujet de méditation que les Chrétiens du Moyen Âge, sans le comprendre
vraiment, avaient considéré comme très
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