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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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jeune fille. On remarquera la parenté de cette
histoire avec la légende de Thésée et du Minotaure, et aussi avec la légende de
Tristan vainqueur du Morholt qui venait lever le tribut sur les gens de
Cornwall au profit du roi d’Irlande : dans les trois cas, le héros libère
la jeune fille, ou les jeunes filles, de la loi paternelle qui les obligeait à
être les victimes sacrifiées. Il en est de même dans le récit gallois d’ Owein ou la Dame de la Fontaine , et dans le Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes,
lorsqu’Owein-Yvain délivre les pucelles prisonnières du Luiton (sorte de diable
représentant le père) au château de Pesme-Aventure. Cette action se renouvelle
dans la Quête du Graal chrétienne :
Galaad, qui n’est pas sans rappeler le personnage d’Indra ou celui d’Hercule,
est le libérateur des jeunes filles enfermées dans une sorte d’enfer appelé
« Château des Pucelles ». Et d’une façon générale, dans tous les
romans de la Table ronde, les chevaliers qui délivrent des jeunes filles
prisonnières d’un géant ou d’un démon accomplissent le même geste de libération
de la personnalité féminine aliénée par le Père, ou par un personnage qui
représente la société paternaliste. Cela nous conduit droit à Don Quichotte qui
veut délivrer une Dulcinée qui n’existe que dans son imagination, et aussi à
tous les contes de fées où le héros, généralement un Prince Charmant, vient
délivrer par un baiser la Princesse Endormie.
    Mais une telle attitude de la part du héros de culture , lequel par nature est
nécessairement un produit de la société paternaliste, est rare ou accidentelle.
Après ce bref égarement, ces héros reviennent à leur vraie nature. En fait, la
jeune fille délivrée, ou bien épouse son libérateur, ce qui la fait retomber
dans des chaînes parfois pires, ou bien est obligée de continuer toute seule
pour se libérer définitivement du joug masculin. Or on peut lire en filigrane
les étapes de cette lutte dans la plupart des mythes ainsi que dans la plupart
des traditions populaires.
    On prendra pour exemple typique le mythe d’Apollon. Le dieu
solaire des Grecs est d’origine nordique et a été acclimaté en Grèce à la venue
des Indo-Européens dans la péninsule. Si on interprète les légendes relatives à
Delphes, on peut y discerner un changement de culte correspondant à un
changement de mentalité et aussi de société. Il y avait à Delphes un grand serpent
du nom de Python. Celui-ci représente évidemment la Terre, c’est-à-dire une
divinité féminine. Lorsqu’Apollon arrive, il attaque le serpent Python et le
tue : cela veut simplement dire que le culte féminin tellurique a été
remplacé par un culte masculin céleste, et encore, que des structures
androcratiques ont remplacé, dans le cadre de la société grecque primitive, les
structures anciennes qui étaient sinon gynécocratiques, du moins plus nettement
féminines. Mais la victoire du dieu Apollon (compte tenu d’ailleurs du fait que
le soleil était féminin dans les plus anciennes traditions), cette victoire est
ambiguë : en effet, à partir du moment où il est vainqueur du Serpent,
Apollon est surnommé Pythien, et surtout, ce sont des
femmes, les pythies, qui sont chargées d’exprimer la parole du dieu qui
se manifeste par le célèbre Oracle de Delphes.
    On peut ainsi mesurer toute l’importance des pythies , des sybilles ,
des fées , des sorcières ,
dans un monde qui officiellement nie leur rôle, ou les châtie lorsqu’elles
dépassent les limites permises de la vague prophétie qui n’engage rien. Les
sabbats de sorcières sont les dernières traces de la révolte de la Fille-Fleur.
C’est pourquoi la société paternaliste les a pourchassées avec tant de vigueur
et de cruauté : les sorcières sont des créatures du diable, et l’on sait
que le diable a une nature féminine à l’origine, comme en témoignent les
légendes diverses consacrées à la « grand-mère du diable », qui est
la personnification de l’antique Déesse-Mère. Mais les sabbats de sorcières
n’étaient pas autre chose que les bacchanales de l’Antiquité, ou les orgies du
culte de Déméter et d’Isis. Toutes les sectes bizarres et secrètes qui se sont
succédées au cours des siècles et qui existent encore de nos jours participent
du même souci de réintégrer – inconsciemment ou non – la femme avec ses prérogatives
dans la société

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