La Femme Celte
son douaire, tinnscra , qui est l’ensemble des cadeaux qui lui
sont faits par ses parents. Ce douaire est sa propriété personnelle, car en cas
de dissolution du mariage, par divorce comme par décès du conjoint, elle le
reprend intégralement, en même temps que sa propre liberté, en n’oubliant pas
les acquêts, ou la portion des acquêts fixée par la loi.
Au Pays de Galles, la méthode suivie est la même. L’homme
verse le prix d’achat de la femme, le gobyr ,
qui est le strict équivalent du coibche . La
femme apporte sa dot, argweddy , qui lui est
également personnelle. Mais le mari, ou la famille du mari, doit payer en outre
le cowyll, c’est-à-dire le prix de la
virginité. Il faut noter que ce cowyll est
payé avant la première nuit, alors qu’à Rome
et chez les Germains, il n’est donné que le lendemain de la nuit de noces, d’où son nom technique de morgengabe .
C’est une simple nuance, mais elle en dit long sur le respect qu’avaient les
Celtes de la femme qu’ils ont toujours considérée comme un être moralement
supérieur, tandis que les Germains et les Romains – et les Chrétiens à leur
suite – en ont fait un être hypocrite et mensonger.
Il y a d’ailleurs une structure mentale assez curieuse
par-derrière cet usage et son appellation. Le mot breton-armoricain actuel, qui
signifie « douaire » et qui est en fait le souvenir du cowyll primitif, est enebarz .
Or ce mot se trouve dans le Cartulaire de Redon, dans sa forme du IX e siècle, enep-uuerth ( enep-werth ), comparable au gallois moderne wyneb-werth . Et wyneb-werth qui est un terme juridique signifiant « compensation », « prix
de l’honneur » (compensation due pour un outrage que l’on a fait subir à
quelqu’un), a le sens littéral de « prix du visage », comme son
équivalent irlandais log-enech . À l’origine,
il s’agissait donc du prix de l’honneur en général, cet honneur étant
caractérisé par le visage qui peut rougir ou blêmir sous l’insulte. Chez les
Celtes primitifs, nous pouvons ainsi l’affirmer, le visage était l’endroit même
de l’honneur et par conséquent de la pudeur. Ce fait, joint à ce que nous
savons de l’absence de préjugés sexuels chez ces peuples, n’est pas sans
rappeler la coutume musulmane des femmes voilées, pour lesquelles l’honneur et
la pudeur sont uniquement sur le visage [47] .
Chez les Gallois, en dehors de sa dot, l’ argweddy , qu’elle apportait avec elle, la femme
pouvait recevoir de sa famille des biens paraphernaux, argyfreu , ces biens qu’Ulpien disait être appelés
« peculium » chez les Gaulois. C’étaient les meubles, au sens
juridique du mot, c’est-à-dire les objets précieux, ornements et bijoux, objets
de cuisine ou à usage domestique, meubles proprement dits et animaux autres que
ceux des troupeaux. D’après les Lois de Howell Dda, ils étaient rendus en entier,
à la femme lorsque le mariage se dissolvait avant la septième année. Par
contre, ils étaient perdus pour elle si elle divorçait sans motif valable, et
partagés avec le reste du patrimoine par moitié lorsque le mariage était
dissous après la septième année.
Nous en venons ainsi à la question du divorce. On est assez
surpris de constater qu’il était d’une facilité déconcertante chez les Celtes,
même à l’époque chrétienne [48] . Cela tient d’abord au
fait que le mariage n’avait pas le caractère sacré et obligatoire qu’il a
revêtu dans les sociétés dites modernes. Ce n’était jamais qu’un contrat,
soumis à des clauses : les clauses n’étant pas respectées, le contrat
devenait caduc. Il n’y a pas de grandes cérémonies pour un mariage. La
littérature galloise et irlandaise ne fait mention que d’un festin à l’issue
duquel le mariage est consommé. Dans les lois galloises rédigées à l’époque
chrétienne, il n’est jamais question de mariage religieux. Acte essentiellement
contractuel, social, mais non pas religieux, acte reposant sur la liberté des
époux, le mariage celtique apparaît donc comme une sorte d’union libre protégée
par les lois, et qu’il est toujours possible de rompre. Entendons-nous bien, le
divorce celtique n’est pas une répudiation, cette répudiation que nous voyons
s’installer dans les mœurs de l’ancienne Rome, et aussi dans la bonne société
chrétienne, chez les puissants, pour des motifs hautement moraux comme
l’incapacité d’avoir des enfants mâles
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