La Femme Celte
ou la découverte – par hasard ! –
d’une consanguinité. Cette répudiation, triomphe de la casuistique, a toujours
joué contre la femme, et au profit de l’homme. Rien de tel dans le divorce celtique
où l’homme et la femme sont placés sur un plan de stricte égalité [49] .
Ainsi, en Irlande, lorsque la femme n’a pas donné à son mari
cause légitime de divorce et que néanmoins celui-ci achète une autre épouse, le
prix d’achat revient automatiquement à la première femme, au détriment de la
seconde et de ses parents. Le fameux « prix de l’honneur » que reçoit
la seconde épouse doit être transféré à la première. C’est évidemment un
exemple assez rare de protection de la femme légitime. De plus, si un mari se
réconcilie avec son ancienne femme, il lui doit un nouveau coibche . Il y a de nombreux cas de divorce prévus
par les lois. Ainsi, chez les Gallois, si une femme a dit à son mari cette
injure suprême : « Honte sur ta barbe ! », le mari a droit
au divorce automatique. Si le mari est coupable d’adultère, la femme peut
obtenir immédiatement la dissolution du mariage. Enfin, chez les Irlandais
comme chez les Gallois, le divorce par consentement mutuel est admis comme
parfaitement licite.
Une deuxième raison qui explique la facilité du divorce, et
par conséquent la fragilité relative du mariage, est que les Celtes ont
toujours hésité entre la monogamie et la polygamie, voire même la polyandrie.
César fait allusion à certaines tribus bretonnes où se pratique une sorte de
polyandrie [50] , mais les indications
qu’il nous donne sont assez imprécises et doivent concerner d’ailleurs, non les
Bretons, mais les Pictes du nord de l’île de Bretagne.
Nous pouvons cependant être assurés que la polygamie a
existé dans les pays celtiques, car nous en retrouvons à l’époque historique
une trace indéniable dans l’institution du concubinage légal. Tout homme, même
marié, pouvait avoir une concubine, ou plusieurs. À la base, nous sommes en
présence d’un véritable contrat par lequel l’homme achète la concubine, la ben urnadna (= femme de contrat). Mais ce qui est
important et très original, c’est qu’il ne l’achète que pour un an, jour pour
jour, le contrat pouvant être renouvelé par la suite. Cette clause dénote une
fois de plus le souci des législateurs celtiques de sauvegarder la liberté de
la femme : la doctrine de l’ habeas corpus ,
caractéristique du droit anglo-saxon, semble s’appliquer particulièrement dans
ce domaine. En effet, si le contrat concernait une durée d’un an et un jour, la
concubine, au bout de ce délai, appartiendrait à l’homme, en vertu de
l’usucapion : l’homme aurait le droit de revendre la concubine et de
toucher le prix de cette vente, au détriment de la concubine ou de ses parents.
Ainsi la concubine reprenait-elle obligatoirement sa liberté.
Il faut noter que ce concubinage, ou mariage annuel si l’on
préfère, expirait, en Irlande, à une date qui correspondait généralement à une
grande fête païenne. D’Arbois de Jubainville a fait un rapprochement entre
cette coutume et celle qui persiste dans certaines campagnes françaises,
consistant à louer des servantes à l’année, l’année se terminant par exemple à
la Saint-Jean ou à la Saint-Martin, souvenirs des fêtes de Beltaine et de
Samain. L’usage ancien du louage annuel de la
concubine aurait été ainsi remplacé, à partir de l’époque chrétienne, par le
louage à l’année des servantes, et en plus, des serviteurs masculins.
De toute façon, le concubinage légal de l’homme ne préjugeait
en rien des droits de la femme légitime qui était la seule épouse en titre, et
qui pouvait se faire aider dans son travail domestique par la ou les concubines
de son mari. D’ailleurs, l’épouse pouvait refuser la présence d’une concubine
dans la demeure familiale. Si le mari passait outre, elle pouvait toujours
divorcer. On cite, d’après la légende de sainte Brigitte de Kildare, le cas du
druide Dubhthach qui avait acheté une concubine et l’avait mise enceinte. La femme
légitime, qui n’avait pas admis le fait, menaça de divorcer si Dubhthach ne se
séparait pas de la concubine. Or, en divorçant, elle reprenait non seulement
son coibche , prix d’achat, mais aussi son
pécule, ses tinnscra . Cette menace fit
réfléchir le druide qui finit par se séparer de sa concubine pour garder sa
femme
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