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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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construite par des géants et dont la voûte possède une clef
faite de pierres précieuses. Au milieu trône un lit de cristal. C’est là que
les deux amants accomplissent la liturgie de l’amour, le lit se substituant à
l’autel (cf. Denis de Rougemont, L’Amour et
l’Occident , p. 122).
     
    Nous voyons ainsi que la situation paradisiaque est réactualisée
au moment où l’on atteint le « sanctuaire », en plein cœur du
château. Ce château peut se trouver au centre même d’une ville engloutie comme
dans la légende de « la Nuit de la Pentecôte ». C’est aussi au fond
de la caverne, naturelle ou artificielle, qui conserve dans l’histoire de
« Diarmaid et Grainné » ses caractères sexuels féminins très
visibles, avec même l’écoulement des eaux qui
entraîne des copeaux, symbole évident du flux menstruel. Mais dans le Tristan
de Gottfried de Strasbourg, la grotte est réellement un temple aménagé, super cloacam , disait Tertullien. Le fait que la
grotte, dans la version allemande, remplace une forêt, nous amène tout
naturellement à voir une équivalence symbolique entre les deux.
    La forêt mystérieuse et qui, lorsqu’elle est impénétrable,
est dite « forêt vierge », est une des images universelles de la féminité.
Cela va du sanctuaire au milieu de la forêt, la nemeton des anciens Druides, la clairière illuminée au milieu de l’obscurité des
arbres, jusqu’au joli « jardinet » de François Villon ou des poètes
de la Renaissance, voire jusqu’aux « broussailles » et aux
« buissons » des auteurs pornographiques. C’est dans une forêt que,
dans les versions les plus répandues, Tristan et Yseult vont se réfugier pour y
communier dans le « sacrement de l’amour ». C’est dans le verger
médiéval, image d’un microcosme parfumé, secret et clos, que la Princesse
Engloutie attend son amant. Les illustrations littéraires de ce thème sont
innombrables à l’époque courtoise et ont été véhiculées à travers toute
l’Europe par les troubadours.
     
    Roman de Jaufré (Occitanie) :
Après une série d’aventures dans la forêt de Brocéliande, Jaufré se trouve dans
une maison de lépreux où il découvre une belle jeune fille. Il doit se battre
avec les lépreux, et pour sortir de là, il lui faut briser une statue d’enfant.
La maison s’écroule. Jaufré se retrouve dans un verger « tout clos de
marbre », avec des arbres, des fleurs et des oiseaux qu’on ne voit nulle
part au monde et qui font penser au paradis. C’est le verger d’une jeune
orpheline, Brunissen, qui, attristée par un deuil depuis sept ans, manifeste
son chagrin avec les siens par des larmes trois fois la nuit et quatre fois le
jour. Seul le chant des oiseaux apaise sa douleur. Le héros, après avoir admiré
le verger, s’y endort d’un sommeil de plomb. C’est là que le découvre Brunissen
qui en tombe amoureuse ( Jaufré , v. 3040 et
suiv.).
     
    Ce texte est particulièrement intéressant, d’abord par le personnage
de Brunissen, la Reine Brune (qui d’ailleurs est blonde dans le roman, comme il
était de mode au XIII e  siècle) :
c’est un des aspects de la Reine des Ténèbres, et nous avons vu que son nom est
associé aux voies romaines du sud-ouest de la France, comme le nom d’Ahès est
associé à celles de la péninsule armoricaine. C’est donc une sorte d’équivalent
de la déesse grecque des carrefours Hécate. Comme Brunissen se plaît à écouter
les oiseaux, on peut la comparer avec une divinité du panthéon gallois,
Rhiannon, la Grande Reine, dont les oiseaux « réveillent les morts et
endorment les vivants », et qui est l’héroïne de deux récits, Pwyll prince de Dyvet , et Manawyddan
ab Llyr [91] . Ensuite Brunissen est
claustrée dans son verger et dans son château, et elle manifeste un deuil
mystérieux qui ressemble fort au deuil que mènent les occupants du château des
Merveilles dans le récit gallois de Peredur [92] où se dessine la
primitive scène du Cortège du Graal. Enfin le schéma de l’histoire elle-même
est très clair : après s’être égaré dans la forêt ,
Jaufré découvre la belle jeune fille (c’est-à-dire Brunissen), mais il doit
combattre les lépreux (ses fantasmes et son dégoût) et briser une statue d’enfant , c’est-à-dire briser son
enfance, nier sa naissance. Alors tout s’écroule (chute de la conscience au
moment de l’orgasme). Moyennant quoi il se retrouve au

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