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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aubaine était tellement parfaite qu’un malaise le prit, le roula dans sa vague ; il en émergea péniblement, le poing serré sur le manche de l’arme étrange, et rit encore tandis que des gouttes poivraient ses yeux.
    Il s’aperçut qu’il avait soif. Que sa jambe, des orteils au genou, n’était qu’une brûlure… Boire… La fièvre plâtrait sa gorge, son palais. Il devait vaincre aussi cette ennemie.
    Sentant un gravier sous sa fesse, il le prit, l’essuya, le suça. Il souriait toujours, la pierre sur la langue, tandis qu’il se délectait du contact rassurant de l’invisible lame.
    – Frère Isambert, je t’ai bien mal jugé !… Puisses-tu survivre, toi aussi, à toutes ces épreuves !
    Puis la jubilation devint désespérance : « Je hurlerai sitôt que je voudrai marcher… De plus, monter cet escalier serait une prouesse impossible… Et les geôliers ? Ils sont là-haut, à manger ou à boire ! » Quand donc s’ouvrirait cette porte dont il ne savait plus, déjà, l’emplacement ? Qui viendrait ? En quel état serait-il alors ?
    Il tressaillit et remit la lame dans sa gaine ; il se rencogna, le crucifix sous sa cuisse. Aucun doute : quelqu’un venait.
    Le volet du guichet s’ouvrit, rectangle rouge derrière lequel bougeait un lambeau de visage.
    – Ils sont partis, Fenouillet… Désormais, te voilà en mon pouvoir. Hé oui : Oyré a juré de ne plus te toucher… Moi, je n’ai rien juré… Ils n’y ont pas pensé… Matin et soir, je viendrai te voir…
    Raoul de Leignes. Ogier ne distinguait aucun trait du nouveau suppôt de Blainville, mais il sentait sur lui sa malédiction. Son souffle rauque, chargé de vapeur et d’âpreté, s’étendait, semblait-il, jusqu’au fond de l’ergastule.
    – Holà, captif !… As-tu perdu l’ouïe et la voix au tournoi… en même temps que ton honneur ?… Réponds-moi, damoiseau, si tu as tu courage !
    Ogier se tint coi pour ne pas décupler la malveillance de ce verrat.
    – Autant t’en prévenir : je n’attendrai pas vendredi… Quand tu seras bien las, je pousserai cette porte et j’entrerai pour t’étrangler… Je trouverai le moyen de dire aux autres, là-haut, pourquoi j’ai fait ça !
    Le guichet redevint noir, et de nouveau ce fut la nuit des profondeurs.
     
    *
     
    Ogier dormit, dormit encore, saoul de fièvre et de ténèbres. Il s’éveilla et, gluant d’angoisse, toucha sa jambe.
    « Comme elle est enflée !… De la même grosseur que ma cuisse ! »
    Il se rendormit. Cauchemar : Oyré rouait ses quatre membres.
    – J’ai soif !… Ah ! que j’ai soif…
    Malgré le sucement du caillou, sa salive se raréfiait, devenait amère. Il frémissait de froid, toussait de plus en plus et chaque secousse attisait la douleur de sa jambe.
    Attendre. Dormir et frissonner ; dormir pour sursauter au moindre bruit, au moindre lambeau de rêve ou picotement de peau. Et attendre encore et encore. Pour se rassurer, il tâtait de temps en temps le crucifix d’Isambert ou faisait jouer la lame dans son fourreau ; il tendait son oreille intacte vers ce qu’il croyait être la porte. Que devenait l’Anglais ? Était-ce le jour ou la nuit ? Une goutte tombait sur sa main, sur sa joue, dans son cou, sueur de pierre qu’il eût aimé recueillir sur ses lèvres et qui l’agaçait autant qu’une mouche effrontée.
    Il ne pouvait se retenir de geindre, de jurer, de blasphémer même, quand d’un mouvement involontaire ou nécessaire, il ranimait le feu dormant de sa brisure. Il se contraignait ensuite à des immobilités acharnées en se disant, pour s’encourager à s’y maintenir, qu’elles lui permettaient de conserver cette énergie dont il aurait tellement besoin lorsque Leignes, passant de la menace à l’action, franchirait le seuil de sa geôle. Quatre fois déjà – s’il avait bien compté –, le guichet s’était ouvert sur un rectangle de face fumeuse. Le sergent, silencieux, attendait, et parmi tant d’effrois et d’incertitudes, un élément s’imposait, devenait rassurant : Leignes descendait seul observer son captif. En écoutant l’haleine rapide et bruyante de ce pernicieux, Ogier savait que le sergent jouissait de le voir allongé comme un mourant qui, plutôt que de répandre son sang, eût perdu sa vigueur de souffle en souffle.
    Sa malefaim devenait exaspérante. S’il retenait parfois sa respiration pour atténuer les grignotantes douleurs de son ventre, il

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