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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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terre de France devant toute la chevalerie. Si je n’osais ce combat, le monde n’aurait plus pour moi que des huées !
    Le comte d’Alençon sourcilla ; un pli dédaigneux trembla sur ses lèvres :
    – Tu as cinquante-trois ans et lui trente-quatre. On le dit vigoureux et aduré aux armes. Je crois pourtant qu’il refusera… Où veux-tu le rencontrer ?
    – Où il voudra. Et s’il se croit un preux, mon frère, il dira oui !
    « Le royaume a eu naguère un Roi de Fer : l’oncle de ce Philippe VI accoutumé à vivre dans les livres et à se substituer à Lancelot, Perceval, Roland et Olivier… D’autres encore… »
    Pensant cela, Ogier vit qu’Alençon l’observait :
    – Es-tu prêt ?
    – Oui, monseigneur.
    Philippe VI prit un ton de commandement :
    – Le pont Mathilde étant coupé, une grande vous mènera sur l’autre rive. Dès que vous les verrez, criez : «  Message  » et que votre brandisse ma bannière tandis que vous… (un sourire) mettrez comme il se doit, lance basse… Venez, je vais vous confier ma custode… Cette nuit, vous dormirez devant le pavillon de mon frère…
    Pour retarder l’instant de franchir le seuil et se préparer à retrouver Blainville, Ogier exprima un souhait :
    – Sire, il faut deux chevaux frais : celui de Bâle et le mien son hodés…
    – Vous obtiendrez tout ce que vous voudrez !… Hé bien, qu’attendez-vous ? Sortez !
    Philippe VI passa au-dehors. Ogier quitta la tente, se releva et entendit un «  Tudieu ! » vibrant de stupeur et de haine.
    Blainville fut devant lui, coiffé, vêtu de fer, la face blanche dans l’obscurité de cette nuit éclaboussée d’or et de pourpre.
    – Fenouillet !
    – Oui, messire… M’aviez-vous cru mort, vous aussi ?
    Affleurant au bord de la barbute emplumée, les yeux du Normand avaient des luisances noires, meurtrières. Derrière ce malfaisant se côtoyaient trois hommes, et derrière encore, des porteurs de vouges et de fauchards dont les aciers oscillaient comme des croissants de lune.
    – Que fais-tu parmi nous ? Qui t’a conduit ? Quels mensonges viens-tu de raconter au comte ?
    Blainville hurlait, mettant à nu sa vraie nature plébéienne ; et sans doute devant le roi – ce roi qu’il exécrait – retenait-il des imprécations indignes d’un homme de son rang. Sous les jouées de la coiffe de fer qui réduisaient son visage aux yeux, au nez et à la bouche, Ogier eut plaisir à l’imaginer suant de rage. Il en sourit. À quoi bon user de moyens dilatoires puisque, comme il s’y attendait, la détestation de cet ennemi coulait sur lui comme un torrent fangeux :
    – Tout comme vous, messire, ou du moins je le suppose, je suis venu auprès de notre sire Philippe afin de lui garder, comme tous les chevaliers de son ost, un royaume menacé du dehors et certainement du dedans… Vous savez tout cela aussi bien que moi-même… Et peut-être davantage.
    L’allusion porta. Blainville parut chanceler ; la crainte corrompait, ébranlait sa superbe. Il s’écria, touchant le bras du roi :
    – Philippe, qu’allez-vous confier à ce béjaune ?… Surtout, ne l’envoyez pas chez Édouard… Je le connais aussi bien sinon mieux que votre frère ! C’est un…
    – Un traître, sans doute ? interrompit Ogier.
    Pour la première fois depuis six ans et après avoir, à Chauvigny, contrecarré ses desseins pour ce qui concernait Alençon, il attentait à la sécurité de Blainville. Il le sentait faiblir et s’empêtrer dans une angoisse inconnue jusqu’alors. Toutefois, prudent et circonspect autant qu’assuré de le retrouver, il résolut de se cantonner dans une longanimité tout aussi fausse que la loyauté de cet homme.
    – D’où viens-tu ?
    – D’Angle-sur-l’Anglin, messire Blainville. Je pensais que vous le sauriez !
    – On m’avait dit…
    – Ce qu’on a pu vous dire était faux : me voici.
    Le roi cessa d’être égayé par cette altercation :
    – Allons, dit-il, conduisez-vous en alliés ! Vous aurez bien le temps, lorsque j’aurai vaincu Édouard, de revenir sur le passé, au besoin, vous aussi, en croisant le fer.
    Il se tourna vers son protégé :
    – La confiance, Richard, que mon frère place en ce chevalier me paraît le plus sûr garant de sa féauté… Je me dois d’avoir foi en lui… Vous n’irez pas porter ma défiance à l’Anglais !
    – Quelle erreur commettez-vous là, sire ! protesta aussitôt Blainville

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