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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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avec laquelle ils bûcheronnaient. Certains avaient au dos des écus d’autrefois, constitués de bois façonnés en amande, convexes au-dehors et renforcés par un orle de métal ; des courroies se croisaient à la surface extérieure, formant des champs carrés dont chacun portait une grosse tête de clou en son centre. La plupart de ces armes avaient été forgées à Marseille, Arbois, Tournai, Paris et Chambly, cette dernière cité ayant acquis sa renommée dans la confection des vêtements de mailles. Et souvent, cessant d’observer les princes et la grand-baronnie de cette armée longue, large, pesante comme un fleuve de fer, hérissée de bannières, pennons et banneroles, suivie de centaines de chariots d’armes et de victuailles, Ogier observait ces piétons. Il y avait là une multitude de gens de France, mais aussi des Allemands, des Luxembourcins et Bohêgnons du roi aveugle, et des milliers de mercenaires génois. Tous suaient, peinaient, n’osaient trop parler de crainte d’avaler la poussière. Certains se précipitaient vers les ruisseaux pour s’y abreuver comme des bêtes ; puis le regard du garçon revenait vers les seigneurs parlant et chantant, riant, buvant à la régalade. Ils ne descendaient de cheval que pour se soulager d’un gros besoin derrière quelque haie. Il fallait alors deux hommes pour les sortir de leurs fers et les y remettre. Ils revenaient au galop prendre leur place en hurlant aux piétons la méprisante formule :
    – Place !… Place !… Herlos (279)  !
    Certes, il y en avait de bons, tels Beaujeu qui, une lieue, avait porté en croupe un jeunet à la cheville tordue, et Montmorency qui, pareillement, était venu en aide à un vieil arbalétrier. Mais les autres semblaient insensibles. Leur hautaineté devenait quelquefois écœurante. Avaient-ils soif en traversant un village ? Ils en faisaient forcer les portes et mettre les barils en perce. Avaient-ils faim ? À la boisson, ils ajoutaient les jambons et saucisses :
    – Tu enverras, huron, ton prix au roi de France qui chevauche loin devant nous !
    Et l’on repartait. Et l’on rechantait. Des lais d’amour et des chants à boire. Et l’on évoquait les joutes, les tournois, les amours et les guerres anciennes.
    – À quoi penses-tu ? demanda le comte d’Alençon.
    – Monseigneur, dit Ogier, à tout et à rien. Je me disais, il n’y a pas bien longtemps, que nous n’avons pas même un bon millier d’archers…
    – L’arc est l’arme du rustique, Ogier. Au temps du Roi de Fer, le quartier de la Porte Saint-Lazare regorgeait de fabricants d’arcs… Ils sont tous en faillite !
    – Le contraire de l’Angleterre, monseigneur. Jamais Édouard n’a eu autant d’archers. On m’a même dit, à Paris, qu’il avait prescrit à ses sujets de renoncer aux vains passe-temps, sous peine de mort, pour ne se livrer qu’au tir à l’arc !
    – Grand bien lui fasse !… Il devrait savoir que les piétons, et par conséquent les archers, ne peuvent gagner les guerres. Les victoires s’obtiennent au bout des lances et grâce à la Chevalerie… Mon frère m’en parlait encore hier en me citant un de ses romans favoris, Guillaume de Dôle… Tu le connais ?
    – Non, monseigneur.
    – Moi non plus !… Je ne m’en porte pas plus mal… Eh bien, dans ce Guillaume , qui date du siècle passé, l’empereur Conrad est loué de n’avoir jamais voulu se servir d’archers et d’arbalétriers. Par effort de lance et d’écu, conquérait tous ses ennemis, lit-on quelque part…
    « Il reproche à son frère de vivre dans les livres, et voilà qu’il en fait autant !… Ces Valois ont la cervelle au-dessus de leur heaume ! »
    – Et vous, Bâle, qu’en pensez-vous ? demanda le comte en se détournant.
    – Bah ! fit le chevalier.
    – Vous n’êtes guère souvent auprès de Charles IV, le fils de l’Aveugle !… Êtes-vous donc en froid avec le nouveau roi des Romains (280)  ?
    – J’aimerais bien, ricana le Moyne de Bâle. Je suerais peut-être moins sous mes fers !
    Alençon rit et chantonna :
     
    Avez-vous point lu en vos livres
    Comment les fols païens rimoient
    Autour de Bacchus, dieu des ivres
    Et de Vénus qui tant aimoient
    Leurs rondeaux et leurs sirventois (281)  ?
     
    Et rudement :
    – Allons, allons, les piétons, avancez !… Qui m’a circonvenu de tous ces traîne-jambes !… Où croyez-vous aller ? À un enterrement ?… D’où viens-tu,

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