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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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guetteurs traversent à la nage…
    Deux têtes, pas plus grosses que des bouchons de pêcheur, dansaient sur l’eau.
    Les nageurs atteignirent la rive et coururent au-devant des quatre cavaliers qui devaient être Édouard III, son fils, Harcourt et Northampton, le vainqueur de Poissy.
    – La Somme est encore haute, dit Gauric. Il me paraît aisé de galoper jusqu’à Airaines et d’aviser le roi, Alençon et toute la chevalerie…
    Ogier fut tenté de sourire ; il dit simplement :
    – Airaines est presque à huit lieues d’où nous sommes. Si tu en reviens avec eux – à condition que le roi et les hommes soient prêts à s’arouter (347) et à te suivre – cela fait encore huit lieues. Pendant toute ton absence, la mer se sera non seulement retirée, mais elle sera revenue grossir la Somme après que les Anglais seront passés… Vas-y, cependant, si cela te plaît. Nous ne te retenons pas !… Dis au comte d’Alençon ce que tu as vu… Préviens-le qu’à ton départ, la défaite des nôtres était déjà dans l’air…
    Gauric sourcilla ; un instant, sa face rougeaude eut un frémissement de colère, et tout en recoiffant sa défense de fer :
    – Alençon vous attend, messire… Si vous demeurez, il enragera contre vous, j’en suis sûr !
    – Il a raison, dit Champartel.
    Thierry aussi n’oubliait rien. Ogier les dévisagea. Leurs traits s’étaient durcis, glacés ; leurs regards, à l’ombre de la visière, luisaient assez mauvaisement.
    – Eh bien, Alençon attendra !… Si je partais sans voir ce qui va se passer, le comte m’en voudrait plus encore et, qui sait ? me prendrait pour un couard !… Il faut bien deux témoins, toi, Thierry et moi, à cet estrif (348) … Les Anglais me paraissent las, affamés. Voyez, certains se couchent… Pour les nôtres, là-bas, c’est un tout petit avantage, bien que quelques-uns de nos piétons soient las, également… Si je m’appelais Godemar ou plutôt si je commandais à sa place, je disposerais mes arbalétriers et mes archers juste devant le gué ; je leur dirais de vider leur carquois et d’en planter les sagettes au sol, comme les Gallois… Il faudrait pouvoir tenir ces démons à distance jusqu’à la prochaine marée, jusqu’à ce que Philippe arrive… Il peut venir droit sur nous ; il peut rejoindre du Fay après avoir franchi le pont d’Abbeville… Il peut même séparer son ost en deux, partager sa chevalerie et ses maréchaux et ainsi descendre les rives de la Somme, lui d’un côté, son frère de l’autre…
    – C’est ce que je lui rapporterai, dit Gauric en sautant en selle et en éperonnant son roncin. Dieu vous garde !
    – Qu’il te garde aussi, compagnon… Méfie-toi : ils ont peut-être des coustiliers et des archers embuchés dans les haies !
    Le Breton hors de leur vue, Ogier et Thierry descendirent lentement vers le fleuve.
    – Allez-vous passer ? demanda l’écuyer.
    – Quelque mépris que j’aie du Godemar, il me faut l’aviser de ce qui se prépare. Nous allons traverser près de notre cheval. Je commence à en avoir coutume. Leurs guetteurs s’en sont allés : nous ne craignons rien…
    – Moi, dit Thierry, je crois au pouvoir des mots. Le pays où se sont groupés les Goddons a pour nom Saigneville.
    – Eh bien, dit Ogier, nous savons que ça va saigner !
    Ils se glissèrent parmi des aulnes et des roncières, et comme ils achevaient de quitter leur armure, Ogier constata que le niveau de l’eau laissait un liséré noir sur la berge d’en face : la Somme commençait sa décrue, entraînant vers la mer des feuilles et des brindilles.
    – Tenez, dit Thierry, reprenez donc ça… Je n’ai plus de raison de le conserver.
    C’était le sachet de cuir contenant le parchemin de Jean de Montfort. Ogier en noua le cordonnet au pommeau de sa selle, sur laquelle il installa tant bien que mal son armure.
    – Allons-y !
    Il conduisit le Blanchet jusqu’à une pente sableuse doucement inclinée vers le fleuve.
    – Le courant forcit, dit Thierry. Pourvu qu’il ne nous mène pas devant les Goddons !
    Il n’en fut rien, et accrochés à la sangle de leur selle, ils atteignirent la rive opposée. Ils barbotèrent ainsi que leurs chevaux dans une glu au-dessus de laquelle bourdonnaient des mouches et des moucherons et virent une brèche dans une haie de noisetiers. Ils s’ébrouèrent, se frottèrent avec des rameaux feuillus et s’aidèrent à revêtir leur harnois

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