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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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reflets argentés, tandis que le fond se teintait de blanc.
    – Que faut-il faire ? demanda un arbalétrier.
    – Attendre les décisions de messire Godemar.
    – Il me semble qu’elles tardent !
    Ogier rageait. S’il avait commandé à ces piétons ahuris par un tel déploiement de force, il leur eût fait couper des arbres et des arbrisseaux qu’ils auraient entassés devant le gué. Derrière, il eût disposé des lignes d’archers et d’arbalétriers, puis des bidaus, la lance en avant, et enfin les chevaliers et les écuyers à pied pour en soutenir l’action à la première défaillance. Après s’être détourné vers du Fay, toujours indécis, il vit une compagnie d’archers anglais avancer obliquement dans une prairie tachetée de petites mares et se mettre en position de tir à la droite du gué, tandis qu’une seconde faisait mouvement vers la gauche. Deux autres vinrent les renforcer. C’était une façon de procéder juste, simple – et redoutable.
    – Eh bien, messire du Fay, les voyez-vous ? dit-il. Ces démons vont nous accabler de leurs traits avant que leur chevalerie entreprenne la traversée… Qu’allez-vous commander pour leur résister ?
    Occupé à tancer un de ses sergents, le gouverneur du Tournaisis feignit de n’avoir rien entendu. Il partit au galop jusqu’à son arrière-garde dont il vitupéra les archers et les picquenaires, puis il revint auprès de ses capitaines et improvisa un conseil d’où Ogier fut exclu.
    – Par Dieu, dit Thierry, je me demande si pour perdre tant de temps, il n’est pas accointé à Blainville !
    – Il s’empêtre dans la peur. Regarde : le ciel s’est vidé de ses mouettes !… Allons, viens ; nous sommes depuis trop longtemps à découvert : vois leurs archers ; ils plantent leur sagettes à terre… Tu sais tout comme moi que leurs fers sont à barbillons…
    L’écuyer tendit la main en direction des Anglais :
    – Un de leurs gars se glisse à l’eau… Le niveau atteint ses cuisses.
    – Ils ne tarderont plus à tenter l’aventure… et voilà que le Godemar se décide à ordonner ses archers… Je crains qu’il ne soit trop tard !
    La première compagnie de vougiers anglais s’avançait vers la berge, et cinq cents cavaliers, peut-être davantage, qui s’étaient tenus à l’abri des chariots lointains, approchaient, lance en main, sur leurs chevaux en bon arroi, dans un miroitement insupportable.
    – Holà ! regarde…
    Trente mille poings brandissaient une arme, trente mille gorges hurlaient : «  England ! » et trente mille regards observaient ces Français dont l’émoi ne faisait aucun doute.
    – Qu’avons-nous à leur opposer, messire ?
    – Ce serait mentir que te répondre : rien, Thierry, car la vaillance est un grand appoint pour ce qui se prépare… Mais il me paraît impossible…
    Ogier s’interrompit : l’homme occupé à sonder la Somme n’était plus mouillé qu’aux genoux. Sur un geste de lui, un des chevaliers du premier rang hurla : « Northampton go ahead ! » un autre : «  Saint George for England ! » un autre : «  Normandie ! » , et suivis des cinq cents chevaliers, leur lance à l’épaule, les meneurs entrèrent dans le fleuve où, avançant peu à peu, ils s’alignèrent par rangs de huit sans qu’aucun ordre eût été donné, côté français, pour commencer la défense.
    – Galopons, Thierry, jusqu’à ces arbres…
    L’air s’emplit d’un sifflement strident tandis que le ciel d’un rapide nuage roux formé par les empennes et les bois des flèches. Et déjà leur grêle s’abattait sur les hommes d’Artois, de Picardie et d’ailleurs, semant dans leurs rangs le désarroi, l’effroi, la douleur et la rage, tandis qu’à nouveau le ciel se rayait d’un vol terrible, puis d’un autre ; d’autres encore.
    Ce qu’Ogier avait tant craint se produisait : obéissant à un seul cri avec un ensemble parfait – de sorte qu’ils encochaient et décochaient uniment leur sagette –, les archers d’Angleterre tiraient, tiraient toujours et toujours, jetant sans relâche, parmi les piétons et cavaliers adverses, la stupéfaction, la souffrance et la mort.
    Protégés par leur grand pavois, les Génois pouvaient sans trop de difficulté armer leur arbalète et répliquer à l’ennemi ; mais les archers et picquenaires, surpris, désemparés, tombaient percés de traits, râlant, criant au secours ; or, aucune aide n’était

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