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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ire. Mais… messire Blainville est un homme curial (36) contre lequel nous ne pouvons rien.
    Et le juge partit en courant comme s’il fuyait une querelle imminente.
    Ogier imita son adversaire ; cependant, il avait si bien Marchegai en main qu’il lui fit accomplir deux courtes pesades. Les dames battirent des mains, sauf la reine, immobile. Auprès de Guy de Montléon, joyeux, vêtu de gris, elle se mordait les lèvres avec une impatience presque sensuelle.
    « Tu souhaites me voir à terre, éborgné, meshaigné à mort peut-être… »
    Pensant cela, Ogier sourit à dame Géralde, toute proche d’Isabelle, attentive sous son touret de dentelle en poivrière. Autant que sa nièce, le cou dressé, le menton saillant, les paupières cillantes, l’épouse de Guy de Morthemer avait un air mauvais.
    Il se désintéressa de ces femmes : quatre rangs plus haut, il venait d’apercevoir Blandine, tête nue, adossée à une tapisserie et vêtue d’une robe de camelot vert tendre. Sa mère la tirait par le coude afin qu’elle se rassît, mais elle lui résistait.
    « Elle m’aime, j’en suis certain. C’est à bonne raison que je passe mon temps à la féer (37)  ».
    Il sentit aussitôt son cœur lui monter dans la gorge. Tremblait-elle pour lui ? Avait-elle prié pour lui ?… Pourvu que le premier galop fût à son avantage !
    Relevant enfin sa lance, il amena Marchegai devant la jouvencelle, et derechef le grand destrier exécuta des pesades – trois – suivies d’une falque (38) qui provoqua des murmures.
    – Bien, compère. Tu es beau et le sais… Fais-leur le ramener (39) , maintenant, et partons.
    Ogier obtint du destrier le salut qu’il souhaitait. Une rumeur piquetée de petits cris et de rires grêles s’éleva de ce prétoire très fourni en jolies femmes, et toutes se retournèrent – même Isabelle – pour savoir de laquelle d’entre elles ce chevalier au bassinet surmonté d’un poing éloquent s’instituait le champion.
    – Qui est l’élue ? Qu’elle se montre ! exigea une brunette en robe rouge.
    Car tirée violemment par sa mère, Blandine s’était de mauvais gré rassise, et dame Berland regardait ailleurs pour faire accroire que l’hommage destiné à sa pucelle en concernait une autre.
    Les trompettes sonnèrent. Un juge diseur hurla :
    –  Honneur au fils de preux : Richard de Blainville !… Honneur à Ogier de Fenouillet !… Louange à l’amour des dames et prix au chevalier qui courra le mieux ; prix à celui qui ne se désheaumera pas !
    « J’ai bien embrassé l’écu et l’arbore en chantel (40)  ! » Ogier vit l’énorme cheval du Normand s’armer contre le mors, ce qui rendrait l’appui de celui-ci trop faible, de sorte que sa conduite deviendrait malaisée. « À chevalier félon, cheval vicieux ! » Et déjà, longeant la barrière, Blainville trottait vers l’extrémité ouest du champ, côté Vienne. Sur son dôme de fer miroitant au soleil, son griffon oscillait comme s’il s’apprêtait à prendre son essor.
    « Ce coquin paraît pressé d’en finir ! » Cette observation faite, Ogier revint sans hâte auprès de ses compagnons. La lenteur, en irritant son adversaire, pouvait nuire à la sûreté de ses gestes… Vaincre… Pourvu que ce galop fût à son avantage ! « Le cheval me fait plus peur que l’homme ! » Une formule lui revint en mémoire. Et c’était frère Isambert qui jadis la lui avait apprise un jour qu’ils cheminaient avec Godefroy d’Argouges, à la foire de Lessay, parmi les chevaux destinés aux travaux des champs et que l’un d’eux, un gros pommelé courtjointé, retenait leur attention : Instar montis equum : un cheval haut comme une montagne. Eh bien, c’était Melkart !
    « N’y pense pas… Ne pense plus. » Posée sur son épaule, sa lance pourtant si lourde et encombrante lui paraissait légère, fragile, dérisoire. Le fait qu’il eût jouté, bien jouté en Périgord – Garin de Linars en eût pu témoigner ! – ne lui semblait d’aucun soutien : il se sentait fluide, gêné dans ses entournures d’étoffes et de métal ; et bien qu’il eût minutieusement examiné son armure, il redouta, une fois de plus, qu’une attache ne se rompît sur un coup imprévu, inévitable, dont le galop du puissant Melkart doublerait ou triplerait la puissance.
    « Ce n’est plus le moment de branler sur ta selle ! »
    Parfois, au cours de la matinée, il avait été pris de

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