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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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frissons irrésistibles en imaginant les instants qu’il vivait présentement. Et maintenant que le réel effaçait le songe, maintenant que Blainville, rapetissé par l’éloignement, se présentait vraiment à sa vue, l’émotion l’affaiblissait ; son corps fondait dans sa coque de fer. Il n’avait d’impétueux, d’affolé, que son cœur. Il devait se ressaisir, se stimuler ; se gonfler d’énergie et de haine et se réjouir de cette certitude fortifiante : trois fois, il allait affronter ce démon. La quatrième, plus tard – mais quand ? –, devant le roi, serait mortelle.
    – Messires, cria un héraut, quand vous voudrez !
    Blainville attendait, bassinet clos ; Leignes soutenait sa lance pour lui épargner toute fatigue.
    « Ton écu, Ogier… Colle-le bien à ton épaule… Serre la bride ! »
    Il était prêt à se repousser sur la cuiller – la haute palette du troussequin –, à porter ses pieds en avant, à forcer sur les étriers, le corps incliné vers le cou de Marchegai, mais nullement couché dessus ; l’épaule senestre dégagée…
    Raymond, sur le montoir, lui ferma son viaire et tapota le grand poing rouge entouré d’un tortil bleu parfilé d’or (41) .
    – Que Dieu et Adelis vous protègent !
    « Il va mieux, lui… même si Adelis le hante. »
    Noir dans le globe de métal criblé des trous clairs de la ventaille où l’air s’infiltrait petitement. Les deux fentes de la vue… Trouver dedans Blainville… Voilà !… Rumeur… Marchegai, nullement irrité par les bruits et mouvements, attendait. Il semblait paisible et pourtant, contre ses jambières, Ogier sentait les flancs de l’animal frémir.
    Devant eux, la barrière blanche ornée çà et là de vrilles rouges. Longue de cinquante toises, « mais d’ici paraissant plus courte ». Debout sur les deux grands côtés, la foule dont les regards allaient de l’un à l’autre.
    « Fais-lui perdre du temps ! Agace-le. » Comment ? Blainville soulevait et abaissait sa lance. « Il en prend plein le bras ! » À chaque bout, les maréchaux de lice montaient à cheval afin de suivre mieux les affrontements.
    Les trompettes sonnèrent. Ogier n’en tint pas compte. Que trouver pour exaspérer cet homme, là-bas ? Il se détourna :
    – Raymond ?
    Sa voix s’étouffait sous son bec de fer.
    Le sergent l’avait-il entendu ?
    – Regarde mon éperon dextre et fais comme s’il était mal attaché.
    D’un œil, il surveillait Blainville. Aucun doute : le malandrin se courrouçait ; son gros Melkart piaffait.
    « Seigneur ! si seulement ce tas de chair ne courait pas en ligne… Avec un tel fardeau maléficieux sur le corps, c’est possible… S’il s’écarte un tout petit, ce sera au détriment de ce malandrin !… Et dire qu’il prend mes hésitations pour des preuves de couardise !… Pourvu qu’il donne dans le godant (42)  ! »
    Le juge Amaury accourait :
    – Messire Fenouillet, tonna-t-il, on vous attend !
    « Cette voix ne m’est pas inconnue… Bon… Y aller… Ma lance… Bien serrée dans le creux du bois… Droite vers le ciel… Vers Dieu ! »
    Ils partirent.
    Aussitôt, Marchegai galopa du pied avant gauche. La tête légèrement inclinée, il prit son rythme.
    – Va ! Va !
    Ogier ne le voyait plus ; pas même encore Blainville.
    Quatre pas de galop et le bois couché sous l’aisselle, ajusté de telle façon que le fût n’en dépassât que de quelques pouces, à l’arrière.
    « Elle ne glisse pas… La tenir fermement comme l’écu… le rochet brille… Va, Marchegai… Galope à la barrière, sans faire d’écart, mon beau ! »
    Le garçon tourna légèrement la tête et obtint une vision meilleure dans les fentes du fer.
    « Le voilà ! »
    Se préparer au coup.
    Il était assis comme il convenait : droit sur l’enfourchure et non sur les fesses, avancé vers le pommeau et laissant ainsi la largeur d’une main entre son séant et l’arçon de selle, tenant les jambes roides, ses genoux et cuisses tournés vers le dedans.
    « Serre les flancs de Marchegai, Argouges ! C’est le moment… Frappe bien le bouclier… Il semble le tenir penché… trop… Il le sait et rectifie, mais son cheval s’écarte, et comme il est lourd… »
    Ils étaient l’un sur l’autre.
    Le heurt fut ce qu’il devait être : l’angle large fourni par le corps du cheval et l’arme de Blainville fit perdre à celui-ci une part de sa puissance. La

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