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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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lui, les seuls événements qu’on pût prédire en contemplant le ciel étaient la pluie, le soleil, le vent et la neige en hiver.
    Benoît Sirvin rabattit l’huis dans son chambranle et longea les colonnes pour allumer çà et là une torche.
    – Ici, nul œil pernicieux, nulle oreille perverse.
    « Pourquoi m’a-t-il mené en ce lieu ? Qu’a-t-il donc de si précieux à me dire ? »
    Le blessé attendait sans nulle inquiétude : ce vieillard solennel n’avait rien de redoutable ; et même quelque chose en lui le rassurait.
    – Tu as grande vaillance… et ta journée n’en est qu’à son mitan !
    Plongé dans ses réflexions, et sans l’aide de son singulier bâton, Benoît Sirvin s’était approché de la cuve des anciens fonts où des concrétions noires remplaçaient l’eau bénite. Il saisit, à côté, une baguette sidérale couverte de signe zodiacaux et de symboles. L’ongle de son pouce, courbe comme un ergot, parcourut cette planchette de bas en haut, puis inversement, s’arrêtant sur certaines encoches, puis se remettant à glisser.
    – J’espérais ta venue depuis deux jours.
    – Je n’étais attendu nulle part, messire, et surtout pas à Chauvigny où je viens pour la première fois.
    – Mais tu reviendras en Poitou.
    C’était une affirmation. À cause de Blandine ? Dans la crainte de décevoir ce patriarche et de perdre incontinent sa bienveillance, il fallait préférer le silence aux vains mots.
    – Tu as moins mal ?
    – Par ma foi, messire, c’est vrai !
    Ogier se sentait gagné par une sérénité composée d’espérance et de confiance. La fraîcheur de cette crypte où peu d’élus, sans doute, avaient été admis, exerçait un pouvoir apaisant sur son corps las et fiévreux. Il était torse nu mais ses frissons avaient cessé. Il faisait clair autour de lui, à présent. Une douzaine de flambeaux animaient les parois, les objets et les meubles.
    « Est-ce un mire, vraiment ? Un devin ?… Plutôt un astronomien qui se consacre au Grand Œuvre. ». Sans surprise, le garçon venait d’apercevoir dans un angle, sous une hotte au linteau encombré de vases, de chopines, de flacons et de coupelles, un fourneau rempli de braises rougeoyantes. Tout près, sur une table dont une extrémité se perdait sous un tapis poudreux, luisaient des alambics pansus, aux cols sinueux ; des retortes (75) enveloppées d’un réseau de serpentins de verre, de cuivre et d’aludels (76) dont certains s’élevaient presque jusqu’à la voûte pour en retomber en volutes larges ou serrées, soutenues çà et là par des supports de fer. Le long d’un mur, des pots, des pichets, des mortiers poussiéreux peuplaient des étagères infléchies sous leur poids. Dessous, des outils – surtout des tenailles et des pinces – alignaient leurs becs et leurs membres tordus, certains luisants de graisse ou de grenaille, d’autres ternis ou rongés par les feux et les compositions corrosives. Tout près, un brochet si long qu’on eût dit un serpent et une ablette ailée comme une libellule. Ogier vit encore, cloués sur des planchettes, des papillons mouchetés de couleurs fortes, une ratepennade dont l’envergure était celle d’un aigle et les oreilles celles d’un molosse. Plus loin, il remarqua un manipule d’évêque dont la croix avait été arrachée puis, sur une perche, un pan de gonfanon haussant (77) et enfin, droit sur son socle, un squelette coiffé d’un heaume à cimier, mangé de rouille.
    – Ce centurion vivait sous César ou Auguste quand il prit une flèche dans le ventre… là…
    Benoît Sirvin toucha la vertèbre atteinte par le fer mortel.
    – Il y en a des centaines non loin d’ici, à Civaux… Rien de tel pour étudier l’homme… Il devait avoir ton âge… Vois ses dents…
    Le squelette semblait rire, et les lueurs, en clignotant, donnaient vie et malice aux ombres amoncelées dans ses orbites. Ogier se détourna tandis que le mire ouvrait une armoire et en tirait une aiguière, des linges, des ciseaux et un pot dont il souleva le couvercle :
    – Si cette cicatrice, telle que tu me l’amènes, avait été mise un jour en contact avec un linge fangeux, tu te serais, qui sait, abîmé dans ce mortel sommeil que les Grecs nommaient Kôma… Il est grand temps de (78) .
    Sur un lutrin, entre deux colonnes, un grand livre était ouvert. Le vieillard souffla dessus, le feuilleta puis en étudia une page tout en commentant, pendant

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