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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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voir. Je t’accueillerai… Sache-le dès mes-huy (80)  : ma porte de jour et de nuit t’est ouverte.
    – Mais pourquoi, messire ? Sans que votre confiance en moi soit mal placée – j’ose le dire sans orgueil – je n’ai rien accompli pour la mériter !
    Ombre vermeille, le mire marcha jusqu’à son fourneau dont il tisonna le foyer :
    – Je sais… Je sais… Mais c’est ainsi… Dis-moi, que penses-tu du Temple ?
    La fumée des braises réchauffées picota les narines d’Ogier. Le Temple ! Cette question le saisissait et l’embarrassait : les aveux obtenus par les brodequins, les tenailles, le chevalet ; les jugements dont, avant même qu’ils eussent eu lieu, on connaissait les sentences, puis les crépitantes fumées aux odeurs de fagots et de chairs embrasées…
    – Messire, je n’étais pas né quand les Templiers périrent… Mon père m’a souvent dit qu’en les persécutant, Philippe le Bel s’était déshonoré.
    – Partages-tu cette opinion ?
    Était-ce, insidieux, un interrogatoire ? Ogier hocha la tête :
    – Quelle force ils constituaient !
    – Tu l’as dit !… Viens, ami.
    Suivant le vieillard dont l’étrange bourdon accompagnait le pas lent, Ogier réintégra la pièce du haut, et le grand Christ retrouva sa place primitive. Son pelisson traînant sur le pavement noir et blanc, le mire marcha jusqu’aux pièces d’armure et vêtements de dessous :
    – Je vais t’aider à t’adouber.
    Ogier s’étonna que ce médecin eût une telle pratique de l’habillement d’un homme d’armes ; il n’osa, cependant, exprimer la satisfaction qu’il en éprouvait.
    – Que penses-tu des Teutoniques ? Ils se sont à peine montrés…
    Le vieillard se recueillit un instant, puis ajouta :
    – Je ne t’oblige pas à répondre.
    Les Teutoniques ! Ogier s’aperçut qu’il éprouvait pour ceux de Chauvigny une défiance d’autant plus obstinée qu’elle n’avait aucun fondement.
    – Je demeure ébahi qu’ils soient venus d’aussi loin pour des joutes et un tournoi dont plusieurs centaines de barons et grands prud’hommes de notre royaume doivent ignorer l’existence… Un tournoi auquel, sans doute, ils éviteront de prendre part !
    Caressant un des pieds du grand Christ dont le regard minéral étincelait, Benoît Sirvin hocha la tête :
    – Nos défunts Templiers furent des agneaux à côté des Teutoniques. Les excès et lâchetés de ces scorpions nous ont coûté le royaume de Jérusalem, royaume aux richesses à damner tous les princes de la terre, et que des malandrins ont dépouillé avec une rapacité qu’on ne reverra plus.
    Le mire eut un soupir presque désespéré :
    – Ah ! les Templiers…
    – On parle toujours de leur trésor, messire. Il paraît que le défunt roi Philippe le Bel n’a pu l’obtenir, parce que avant la capture des chevaliers de Paris, des chariots s’étaient éloignés nuitamment du Temple, en grand-hâte. Peut-être cet or et ces joyaux sont-ils enfouis dans le sol de quelque commanderie dont les Hospitaliers ont hérité… L’imagination des grands et des petits, à ce propos, ne manque pas d’être féconde.
    – Le rêve aide à vivre et, depuis peu, ton imagination porte un nom de jouvencelle… Cependant, avoue-le : en ce moment, diamants et pierreries étincellent dans ta tête ! Tu vois l’usage que tu en ferais.
    – Oh ! non, messire, se récria Ogier. Il y a trop de sang et de souffrances liés à ce trésor, s’il existe, pour qu’il me fasse envie.
    Le vieillard sourit, son front se déplissa :
    – Lorsque tu reviendras, j’aurai des choses à te confier.
    Il s’approcha de la crédence sur laquelle il saisit une sphère armillaire ; il la leva bien haut devant le Crucifié :
    – Le langage du ciel est le plus clair de tous, je te l’ai dit… Je ne te demande rien encore sur ton passé. Je pense que quelqu’un des tiens a subi un affront ou un châtiment dont réparation sera faite par le sang… Je sais que le Bien est de ton côté… D’où viens-tu ?
    – De Normandie.
    – Il vaut mieux que tu le saches : des nuages s’amoncellent sur le pays de Sapience… Les astres sont formels : il y aura grand mal… Mal de guerre.
    – Ne peut-on empêcher, messire, ce qui n’est point ?
    Benoît Sirvin soupira, faisant vibrer les longs crins de sa moustache :
    – Ami, il est des maux qu’on ne peut détourner… Ah ! je te connais bien, va… Lion, fils

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