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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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achevée, il eut le temps de voir le père de Blandine branler sur sa selle tandis que lui-même, frappé sur le bord inférieur de son écu, qu’il avait porté droit en avant, recevait le coup, amorti, à hauteur de la cuisse, et sentait son mal s’aggraver.
    Il jeta son tronçon. Olivier de Fontenay l’interpella :
    – Hâtez-vous, la nuit tombe !
    À nouveau, les deux opposants se chargèrent. Cette fois encore, le craquement des lances rompues se propagea jusqu’au cœur pantelant d’Ogier. Herbert Berland faillit verser. Sans doute eût-il expié son péché d’orgueil si un des maréchaux, courant à sa rencontre, ne l’avait remis d’aplomb, mécontentant jusqu’à l’évêque, tandis que la brunette en robe rouge protestait :
    – Malappris ! Vous dérobez au Poing un avantage acquis !
    Aucune de ses compagnes ne partagea son ire.
    Ogier revint au galop vers cet adversaire que pour rien au monde, il n’eût voulu affliger :
    – Messire, êtes-vous bien ?
    Le père de Blandine entrouvrit sa visière ; le garçon trouva dans l’ovale de fer un visage gris, suant, à la bouche à la fois tremblante et affaissée :
    – Vous béhourdez comme un coquin, Fenouillet ! Vous êtes parti sans me faire signe !
    – Messire…
    Le garçon s’interdit d’ajouter : « Vous mentez ! » Il s’indignait : « Un coquin, moi  ! » S’était-il fait un ennemi de cet homme ? Oui : plus encore que sa victoire, sa sollicitude l’avait offensé.
    – Si ma bannerole, à cause du vent, ne s’était par deux fois accrochée à la barrière, vous eussiez vidé les arçons !
    C’en était trop ; quelque désir qu’il eût de ménager cet hypocrite, Ogier proposa :
    – Messire, que ne l’ôtez-vous pour une ultime course.
    Tout homme de cœur eût relevé le défi ; il ne reçut qu’un rire pour réponse ; puis, alors que le public grondait :
    – Hé ! Hé ! Vous savez bien que nous courons deux lances… Dommage… J’aurais eu grand plaisir à vous jeter à bas !
    Cela dit, Herbert Berland s’éloigna, satisfait.
    Triste et courroucé par l’outrance inattendue de ce seigneur auquel il souhaitait tant plaire, et qu’il avait ménagé , Ogier vit pour la première fois, depuis le début de l’après-midi, un tabellion gratter le parchemin de son écritoire ; il lui trouva l’air sentencieux. Que pouvait-il avoir constaté ?
    Il se sentit soudain morne, à la merci d’il ne savait quoi, tandis que les dames, plutôt que de l’acclamer, s’accordaient un silence intraduisible. Puis un héraut courut jusqu’au milieu du champ et y proclama dans ses mains réunies en cornet :
    –  La dernière course de ce jour d’hui, appelée Coup de lance des Dames, verra opposés, messire Guichard d’Oyré, capitaine du château d’Angle, dont le heaume est sommé d’une tête de lion, et Ogier de Fenouillet, le chevalier au Poing Vermeil… En une seule lance !… Et que le meilleur gagne !
    L’évêque se dressa et battit des mains : ce Guichard était son vassal. Or, le fait qu’il se fût levé, entraînant avec lui ses coadjuteurs, prouvait que son capitaine devait être encouragé, donc que sa victoire lui paraissait incertaine. Et comme le champ se vidait de ses maréchaux, hérauts et juges, Ogier fut ébahi de voir l’homme qu’il allait affronter galoper dans sa direction.
    – L’ami, dit Oyré en regardant, inquiet, autour de lui, cette journée fut tienne… Nul n’en disconviendra… et c’est pourquoi je viens te parler… Il y a sur cet échafaud une dame qui m’est chère…
    Ogier trouva sur les traits suants de ce chevalier, mais surtout dans ses yeux noirs fixant la vue de son bassinet comme s’il pouvait atteindre son regard à travers le solide écran du mézail, une expression rancuneuse – et désagréable.
    « On dirait un guetteur, l’arbalète armée, prêt à décocher un carreau mortel ! »
    Le Poitevin portait un écu assez vaste – donc pesant. Dessus figuraient ses armes : d’argent à trois têtes de lion de sable arrachées et lampassées de gueules et couronnées d’or, posées deux et un.
    –  Eh bien, messire, répondez !
    – Je suis fort aise, messire, qu’une dame vous remire (92) …
    Flairant quelque vœu ou arrangement indigne, Ogier prit les devants :
    – Il y a, messire Guichard, non loin de cette dame, une damoiselle dont je porte l’emprise… et qui m’est fort chère, également.
    Leurs

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