La fête écarlate
était en copulation avec sa concubine, cette jungleresse qui…
– Oh ! s’indigna Thierry quelque part. Messires, il ne vous faut ouïr cette folle…
– Clos ta goule et ton bassinet ! hurla Blainville dont le Melkart hennit et rua.
Ogier ne savait que hurler : « Faussetés ! Faussetés ! » Ce que son écuyer avait redouté plus que lui-même arrivait. Dire que cette démente était parvenue à convaincre les juges avec des accusations dépassant l’entendement !
Il était comme une bête prise au filet. « Tuez-le ! Tuez-le ! » hurlait Isabelle. Il s’en trouvait trop éloigné pour distinguer ses traits, mais qu’importait ! Elle crachait comme une chatte courroucée. Elle fut fouettée par un spasme et tomba, vidée de tout son venin, tandis que Guichard d’Oyré s’écriait :
– Sus au démon, compagnons ! Sus au démon ! Ce poing vermeil, c’est celui de Satan !
Ogier entendit dans le grand hu poussé par les hommes quelques protestations.
« Seigneur ! Seigneur ! Vous savez bien, Vous… »
Il abaissa sa visière.
– Bats-toi !
D’où venait cette voix lointaine, impérieuse ?
Déjà un gros buisson de fer l’enfermait, hérissé de masses, d’épées, de bras miroitants.
– Le recet ! hurla Thierry en essayant de se frayer un passage.
Il en était proche. Encore fallait-il l’atteindre.
Blainville devant lui, le premier.
Tandis qu’il déviait le coup destiné à son bras droit, pour qu’il lâchât sa massette, une arme s’abattit sur son bassinet. Sous l’effet du vibrant vacarme dont le timbre de fer s’emplissait, il crut, malgré l’aumusse rembourrée qui les protégeait, que ses oreilles éclataient.
– Tue ! Tue ! criaient des hommes.
Un fer se ficha dans le Poing vermeil. Conséquence de cette taillade, le lacet du colletin se rompit ou se dénoua.
– Tue ! Tue !
Des luisances volaient, des coups s’abattaient. Marchegai, effrayé, rua, hennit, se regimba et se cabra, renversant un homme mais exhaussant ainsi l’échine de son cavalier : la volée qu’Ogier reçut aussitôt, en rageant de ne pouvoir s’en défendre tant il était occupé au-devant, pouvait lui briser les reins. Sans sa dossière de fer, il eût succombé.
Il se battait désespérément tout en sachant sa forcennerie insuffisante, voire inutile. Ah ! le vasselage (169) de tous ces prudhommes… Fallait-il qu’ils fussent fous, eux aussi, pour obéir à Isabelle ! L’orgueil l’empêchait d’abandonner sa défense. Et le goût effréné de la justice. À la façon dont tous se jetaient sur un seul, on eût dit que ces hommes n’avaient point guerroyé depuis un siècle. Ils étaient tous hardis. C’était à qui l’attremperait (170) pour lui rompre les bras. Eh bien, il ne se résignerait pas. Jamais !
Il vit, sous ses coups, tomber Hautepenne et Aimery de Rochechouart. Thierry, cerné sans doute, ne le pouvait secourir… Et il ne se trouvait aucune femme, sur les bancs – pas même Radegonde Bochet, pas même Alix d’Harcourt – pour obtenir la clémence des juges et l’intervention du chevalier d’honneur !
« Les malandrins !… Les linfars !… La démone ! »
Bataillant, chargeant et reculant, gouvernant Marchegai des talons, le faisant pointer, ruer ; attentif à se protéger des pires taillants et estocades, hurlant de ne pouvoir fuir ni gauchir (171) à son aise, Ogier s’approchait du recet.
– Ici, messire ! Contrestez (172) !
Un coup, un de plus sur la tête. Cloche. Tocsin. Effroi. Il crut voir du rouge, pleurer du sang… Oui, c’était bien du rouge… Son sang… Non : c’était un haubert… Un des tournoyeurs de profession…
Et il frappait les autres !
« Il se porte à mon secours !… Qu’importe ce qu’il me demandera… Il l’obtiendra, j’en jure Dieu ! »
Sous la terrifiante poussée des destriers adverses à laquelle Marchegai ne pouvait résister, Ogier parvint au seuil du recet dont, l’attaquant de côté, certains tournoyeurs essayèrent de le chasser.
Marcaillou, Denis, Raymond levèrent leurs bâtons devant lui, mais ses bourreaux les frappèrent sans que le Roi d’armes intervînt.
Il crut entendre un cri, pensa : « Blandine… » Un coup violent et sournois l’atteignit au genou. Bon sang !… Était-il dans le recet ? Le chevalier d’honneur allait-il le laisser succomber en ce lieu d’asile ? Son bassinet branlait. Bang ! Ses oreilles ! Ses
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