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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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surtout ne pas porter la main à son oreille, car c’eût été la désigner à leur fureur…
    Ogier baissa la tête et ferma les yeux. À quoi bon se souvenir des insultes, gourmades et bourrades. Il devait avoir çà et là les chairs bleues ; son oreille suintait, palpitait, pesait, bourdonnait et semblait aussi grosse qu’une pomme. Longtemps, il écouta les craquements des cailloux sous les jantes, le grincement des essieux et, quelquefois, les toux et murmures des guisarmiers : trois devant avec Oyré, coiffé de son heaume de joute dont un moignon d’emblème subsistait ; les autres derrière.
    – Vous vous nommez Calveley, dit-il soudain à voix basse. Connaissiez-vous Guy de Passac ?
    L’Anglais lui lança un regard étonné mais parut résolu à ne rien dire.
    – Soit… L’épouse de ce chevalier – un félon – eut pour père un certain Richard Gifford… Vous auriez pu le connaître.
    – Je connais des Gifford, mais aucun n’est Richard.
    – On dit que cette Blanche est très belle…
    – On le dit… et c’est vrai… Je l’ai vue deux fois… Passac est mort par votre main, d’après ce qu’on m’a rapporté…
    Qui était ce on  ? Ogier ne put en savoir davantage car Guichard d’Oyré, s’écriait :
    – Nous y sommes presque !… Ah ! tu peux regarder, Goddon !… Tu trouveras là-haut le temps d’autant plus long que Blainville m’a dit de te ménager… Ce ne sera pas le cas de ton compagnon, l’infortuné champion des joutes chauvinoises… Jamais plus il ne pourra tenir une lance…
    Ogier aperçut, droit devant, des maisons et une église dominant une rivière enjambée par un pont.
    – Ne les pousse pas, Leignes, ces bêtes… Vois : ça descend… Ne fais pas verser ce charreton !
    La carriole s’engagea entre les parapets, et séparé du bourg par un ravin, le château apparut, livide, hautain, couronnant un éperon rocheux d’au moins trente toises, à pic au-dessus de l’eau.
    – Il est fort haut et à Fort d’Aux ! ricana Guichard d’Oyré, qui se croyait de l’esprit. Quand mes hôtes sont morts, je les jette aux poissons !
    À la racine du promontoire long et étroit, séparée de la forteresse par une ou deux tranchées creusées dans le roc, une chapelle élevait sa grande châsse triomphante.
    – Ne compte plus sur Dieu, Fenouillet, puisque tu appartiens au diable !
    Les guisarmiers se signèrent, puis Leignes ; il déclara :
    – Il me tarde d’être à vendredi, puisque c’est moi qui appliquerai la sentence !
    Au sommet du massif donjon quadrangulaire, un cor beugla. Des têtes de fer apparurent. Et tandis qu’il regardait cette vaste enceinte hérissée de tours et de poivrières, Ogier, renonçant à dominer le mésaise auquel il résistait tant bien que mal depuis Chauvigny, se persuada que les sentiments des hommes d’armes vivant là s’accordaient avec ceux de Guichard d’Oyré : lourds et tranchés dans la masse, sans nuances. Le découragement des captifs conduits vers ces livides murailles, roulant puis marchant sur cette voie pierreuse où les maigres juments peinaient, devait sans doute égaler le sien, tandis que la crainte inspirée par les geôliers entrevus ne pouvait qu’augmenter, comme la sienne, au fur et à mesure de la montée. Plus tard, une fois emmuré, chargé ou non de chaînes, le désespoir devait ronger les esprits les plus durs.
    « Je tiendrai bon ! »
    Il se trouva déraisonnable et présomptueux. Saurait-il résister aux frayeurs et douleurs qu’il allait éprouver au fil des jours, puisque ses ennemis voulaient qu’il souffrît à petit feu  ?… Allons, plutôt que de redouter leurs sévices, que ne songeait-il seulement à s’évader !
    – Toi, Fenouillet, hurla Oyré tandis que Leignes, relâchant les rênes, tapait alternativement, du bois de son épieu, sur la croupe des juments ; toi, avant même que tu sois jugé par notre évêque et les autres, je ferai en sorte que tu ne puisses plus courir !
    Ainsi, c’était vrai : ce malandrin coupait les jarrets. Tout en avalant d’émotion sa salive, Ogier, feignant l’indifférence, écouta.
    – Tu peux faire le fier !… J’en ai fait enterrer jusqu’au cou trois jours durant. À leur sortie, ces gars n’étaient pas beaux !… J’ai moi-même brûlé au fer rouge les joues d’un goujat qui m’avait mal parlé… Hé oui, j’aime qu’on me respecte !
    L’Anglais haussa les épaules si dédaigneusement

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