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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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sentiments chevaleresques qui nous ont fait battre à Azincourt ; j’ai juré de ne plus commettre pareille erreur. J’ai su être impitoyable, montrer aux Sarrasins ce qu’il en coûtait de toucher aux chrétiens, et j’en tire fierté. Coquenpot n’est pas bâti du même bois. La nuit, il était la proie de cauchemars, il balbutiait que nous serions punis pour nos crimes.
    « Mais le pire était encore à venir. Pour éviter de prendre part aux combats, il s’est lui-même infligé une blessure à la jambe. Il espérait ainsi être dispensé de partir en expédition. Je n’ai pas été dupe mais je n’ai rien dit, car il s’agissait d’un vieux compagnon, et tout le monde a le droit d’avoir des faiblesses. L’ennui, c’est que la pourriture s’est installée dans la plaie, et qu’il a fallu amputer. Ce que j’ai fait le plus proprement possible, afin de lui sauver la vie. Il m’en a toujours tenu rancune, prétendant qu’il n’était point besoin d’avoir recours à un remède aussi expéditif. Il m’a ouvertement accusé d’avoir voulu le punir pour sa dérobade. À partir de ce moment, nos relations se sont dégradées, et Coquenpot m’a voué une haine farouche, colportant sur mon compte les pires calomnies. Il a été jusqu’à raconter que j’avais la lèpre !
    « Une accusation terrible, qui aurait pu me valoir d’être déporté dans une léproserie où j’aurais, cette fois, réellement contracté le mal ! Un tel mensonge était criminel…
    « Peu à peu, il a commencé à battre la campagne… La nuit, il hurlait qu’un lion menaçait de s’introduire dans nos tentes pour nous dévorer. C’est vite devenu une obsession. Les lions sont bêtes communes en ces contrées, et il n’est pas rare d’en croiser, mais généralement ils ne prêtent guère attention aux humains et vaquent dédaigneusement à leurs affaires. Sauf s’ils sont affamés. Coquenpot prétendait que ce lion exigeait de dévorer nos âmes. Surtout la mienne, en fait. Car je portais le poids de toutes les fautes commises lors de cette expédition.
    « De peur de vous lasser, j’abrégerai cette histoire absurde. Quand nous sommes revenus en France, Coquenpot m’a affirmé que ce fauve fantastique – ce “dévoreur”, comme il le nommait – avait débarqué en même temps que nous, et qu’il se chargerait bientôt de moi. Nous nous sommes séparés là-dessus, avec beaucoup d’amertume, et je ne l’ai jamais revu.
    « Par mon intendant, j’ai appris qu’il s’obstinait à répandre cette fable à travers les campagnes, dressant les villageois contre moi. Il a repoussé toutes mes tentatives de réconciliation. Une haine funeste l’habite et le dévore tout entier, au point que j’en suis arrivé à craindre pour ma personne.
    Ornan s’interrompt. Le serviteur maure se penche pour remplir le hanap d’or que le baron s’empresse de vider.
    — Voilà, conclut-il, comment les choses se sont réellement passées. Je suis l’objet d’une haine démesurée qui s’est fortifiée au fil des ans jusqu’à prendre les dimensions d’un complot général. D’une conspiration sournoise.
    « Il est tard, à présent, et je suis fatigué, mais demain, si vous le voulez bien, je vous montrerai les effets de cette cabale. Ainsi vous serez mieux instruits de l’affaire dans laquelle, fort imprudemment, vous vous êtes impliqués.
    Sur ces mots, il se lève, s’incline et sort. Bézélios et Wallah demeurent hébétés, ne sachant ce qu’ils doivent croire. Qui dit la vérité ? Ornan de Bregannog est-il le diable ? Ou au contraire la victime de sombres manigances ?
    Gérault, l’intendant, intervient pour hâter la fin du festin, puis mène à pas feutrés les invités dans des chambres séparées. Wallah hésite à se dévêtir. Elle se sent déplacée dans ce décor oriental et luxuriant, où de grands miroirs d’acier poli lui renvoient une image déformée d’elle-même. Une image monstrueuse. Elle s’étend sur le lit en sachant qu’elle aura du mal à trouver le sommeil.
     
    Au milieu de la nuit, elle est réveillée en sursaut par un halètement en provenance du corridor. La respiration, puissante, ne semble pas sortir d’une poitrine humaine.
    Wallah roule sur elle-même pour saisir son coutelas et se colle contre la porte, l’oreille tendue. Le halètement s’éloigne, puis revient. Il s’accompagne de reniflements… L’adolescente perçoit une odeur animale, et ce

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