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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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rattraperaient aux alentours de la cité sainte. Bérarde était aux
aguets depuis leur départ de frets. Son instinct puissant l’avertissait d’un
danger, et à chaque halte elle aiguisait soigneusement sa hache et ses poignards.
    À Aubeline qui s’inquiétait de la voir si tendue, elle avait
répondu :
    « Il y a des charognards qui sont en chasse et je n’ai
nulle envie de les laisser m’égorger. »
     
    C’était une nuit très agitée, comme on en connaissait à
chaque changement de temps. Les rafales de vent se succédaient dans le ciel
limpide, si pur que la Voie lactée irradiait une lumière qui fascinait les deux
femmes. Leur destin s’inscrivait parfaitement dans les étoiles, mais elles
ignoraient tout du langage des astres. Peut-être valait-il mieux ne pas
connaître son avenir.
    Bertrane était dans les bras de son aînée. Stéphanie, la
tête renversée, les jambes lourdes, sentait battre le cœur de sa jeune compagne
au rythme de la pulsation des étoiles. Bertrane était en harmonie avec l’univers
et Stéphanie l’enviait. La comtesse des Baux désirait oublier ce qu’elle
représentait, devenir une humble femme des collines. Ne plus se battre pour des
questions d’héritage, d’honneur, de religion. Elle essaya de se détendre ;
trois jours de marche depuis leur départ d’Arles, cent prières dans les églises
rencontrées n’avaient pas suffi à chasser les affres de la défaite.
    Son souci majeur avait pour nom Hugon. Son fou de fils s’était
volatilisé. On le croyait à Marseille, organisant une rébellion. Bientôt elle
saurait où il se terrait : Aubeline d’Aups et Bérarde la Burgonde remettraient leur rapport. Elle redoutait le pire. Sombre était l’âme de l’aîné des
Baux. Elle culpabilisait. Elle avait porté ses enfants dans son ventre de fer, les
avait élevés selon la dure tradition de la chevalerie franque. Hugon lui devait
son aveuglement et ses emportements. Ah, si elle avait fait preuve de tendresse
avec ses fils, si elle avait usé de diplomatie avec Raymond Bérenger vingt ans
auparavant en lui accordant quelques miettes de son territoire, elle n’en
serait pas là à s’inquiéter dans sa robe de bure. Hugon ne céderait jamais ;
elle savait que derrière ses yeux fauves couraient des idées de meurtres et de
massacres. Il n’hésiterait pas à se débarrasser de sa propre mère si elle se
mettait en travers de son chemin.
    À la pensée des folies d’Hugon, sa poitrine se souleva plus
fort et plus vite. Bertrane le sentit aussitôt.
    — Tu penses encore à lui, n’est-ce pas ?
    — Non… je ne m’en soucie pas, mentit-elle.
    — D’où vient ton inquiétude ?
    — Nous avons tant tué… Les morts me poursuivent.
    C’était vrai. Elle savait qu’elle devrait un jour en rendre
compte à Dieu.
    — Viens, allons prier pour les âmes des soldats et pour
Hugon, ajouta Bertrane en se redressant.
    — Je crains que pour mon fils il ne soit trop tard. Il
va nous trahir, nous assassiner peut-être !
    — S’il faisait une chose pareille, il ne serait même
pas bon à jeter aux chiens.
    Stéphanie saisit les mains de Bertrane et les serra avec
force. C’était de la nuit, des étoiles, du mistral commandés par Dieu que
viendraient le conseil et la consolation. Noires étaient les maisons de
Saint-Maximin, noires les silhouettes pelotonnées sur le parvis de l’église, sous
les auvents des échoppes, autour du puits et des trois châtaigniers séculaires.
Plus de cent pèlerins en route pour Jérusalem essayaient de dormir, mais la
chaîne du puits grinçait, les feuillages bruissaient, des volets claquaient
contre les murs, le mistral mugissait, sifflait, menaçait, attaquait le clocher
de l’église. Là-haut, les sons se muaient en cris effrayants et des voix
lugubres sortaient des gargouilles dont les gueules difformes mordaient les
constellations.
    Stéphanie attendit, tenta en vain de décrypter ce que lui
soufflait le vent. Des lambeaux d’idées et d’images se succédèrent dans son
cerveau, mais sans cesse surgissait la vision d’Hugon chevauchant Ravage, un
Hugon entouré de flammes, à la tête d’une cavalcade infernale saccageant la Provence.
    Allons prier, dit-elle enfin.
    Elle accédait au désir de Bertrane. Elles traversèrent le
parvis la main dans la main, suivies par le chapelain Guillaume. Le gros prélat
grognait ; cela faisait trois nuits que le sommeil le fuyait. Ces deux
écervelées – que

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