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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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que Bérarde la Burgonde et Jean du Paumier avaient été surpris forniquant dans le foin de l’étable du
château. On en avait fait des gorges chaudes et on se plaisait à peindre le
tableau mettant en scène la géante nue à califourchon sur le frêle chevalier du
Gapeau. Bertrane enviait Bérarde. La Burgonde était libre de ses actions, libre de s’offrir à l’homme de son choix. Elle eut une pensée pour Aubeline qu’on
disait vierge. La fille du templier n’était pourtant nullement contrainte ;
elle menait sa vie à sa guise. Il était difficile d’admettre que cette jolie
fille courtisée n’avait aucun désir. Elle était fière au point de dire qu’elle
se lierait d’amour au meilleur chevalier du monde. Comme cet homme n’existait
pas, mieux valait entrer au couvent et se marier avec le Christ.
    Un éclair tomba tel un trait de feu sur la Sainte-Baume et toute la chambre circulaire en fut illuminée. Bertrane plaqua ses mains sur
sa poitrine et ferma les yeux.
    — Pardonnez-moi ! Pardonnez-moi !
    Elle lança son appel à tous les saints, honteuse de son état,
des mauvaises pensées qui l’agitaient nuit après nuit, d’avoir désiré la mort
de son mari. Elle se tourna vers le Christ en croix au-dessus de son lit.
     
    Heureuse la femme dont le regard
    Traverse l’invisible
    Pour chercher Ton visage.
    Heureuse la femme dont l’esprit
    Découvre la sagesse
    Dans la folie de la croix.
     
    Et elle pria, les mains si serrées qu’elle manqua d’en
briser les jointures. Elle usa sa foi dans la contrition, repoussant Satan qui
la tentait par le biais de sa chair frémissante.
    Le fracas de l’orage la délesta du joug de ses péchés
imaginaires. La pluie dressa un rideau opaque entre le château des dames et la
montagne sacrée. Elle abandonna le Christ en souffrance et alla à la fenêtre
qui annonçait la fin de l’été torride. Cela faisait un mois qu’elle avait
repris en main la cour d’amour.
    Un mois difficile. Passé à résoudre le cas de la reine
régente de Jérusalem, Mélisende. On avait eu de nombreuses disputes à son sujet ;
des messagers arrivant d’Orient rapportaient que le cœur de la reine s’était
tari à force de désirer le pouvoir. Elle s’était alliée à un méchant homme, le
connétable Manassès de Hierges, pour garder le trône. Baudouin III, son
fils, hésitait encore à lutter contre elle ; il l’aimait toujours et la
chérissait trop, selon son entourage, mettant en péril les conquêtes franques
du Levant. C’était ce même entourage qui avait fait appel à la cour d’amour de
Signes afin de réconcilier la mère et le fils, et de mettre fin à l’emprise de
Manassès de Hierges sur le trône.
    Bertrane essaya d’imaginer à quoi ressemblaient ces trois-là.
Comment était-il possible de se faire du mal entre chrétiens en Terre sainte ?
Il aurait suffi d’un peu de sable de Judée pour effacer toute trace de haine, quelques
grains dorés foulés par le pied de Jésus jetés aux yeux de ces égarés. Elle
croyait aux vertus des reliques et à la force des symboles. En ce sens, elle
était proche de la comtesse de Dye, mais cette dernière avait conseillé d’empoisonner
Manassès. Leur dispute avait été âpre ; elle n’avait donné aucun résultat.
    Une bourrasque l’enveloppa. L’eau débouquait du ciel en
torrent, frappait, criblait la terre, gonflait la rivière qui grondait au bas
du rempart nord. La jeune femme s’offrit un peu plus aux gouttes qui
martelaient durement la peau de son visage.
    — Ma dame ! Ma dame !
    Alix Gonter de Dardanus, une demoiselle autrichienne
attachée à son service, se tenait sur le seuil de la chambre, affolée. Bertrane
se retourna. Elle était toute trempée. Ses seins et son ventre
transparaissaient sous le lin de la longue chemise qui lui descendait jusqu’aux
pieds. Son visage rayonnait ; elle était ailleurs et il lui fallut un bon
moment avant de franchir le vague abîme qui la séparait de la jeune intruse.
    — Ce n’est point raisonnable ! lança Alix de sa
voix un peu rauque. Tu veux attraper le haut mal de poitrine ?
    — Chère Alix, je n’ai point encore l’âge d’être
raisonnable. Voudrais-tu me voir vieillir au coin du feu comme la comtesse de
Dye écoutant ses amies sorcières et leur offrant ses mains fripées pour
connaître un avenir fait d’une tombe surmontée d’une croix ? Les rêves des
gens raisonnables sont fades. Sans doute soupirent-ils sur

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