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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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pour défendre la cause de la cour d’amour
et dépendaient entièrement du comte et de la comtesse de Signes qui leur
versaient pension, les nourrissaient et les abritaient. Les petits nobliaux du
terroir vivaient à peine mieux que leurs paysans. L’un d’eux dansait sur place,
Jean du Paumier, dont le castel sur le Gapeau, en aval de Signes la Noire, était en partie utilisé comme tannerie. Il se demandait s’il allait tenter sa chance. Depuis
qu’elle était apparue, il n’avait d’yeux que pour elle. Aubeline, en robe d’apparat,
ne lui avait jamais paru aussi belle… et désirable. Il compta jusqu’à vingt. C’était
le temps qu’il s’était donné avant de l’aborder ou de renoncer.
    18, 19, 20 !
    Il quitta le groupe de chevaliers bouseux avec lesquels il
trinquait et traversa la cour. Aubeline le vit venir du coin de l’œil. Elle
grignotait une pâte d’amande en forme de cœur. Il y vit un présage.
    — Messire Paumier, quel plaisir de te revoir.
    — Tout le plaisir est pour moi, Aubeline.
    — Où étais-tu donc pendant qu’on livrait bataille aux
Catalans ?
    — À la foire de Sisteron. J’avais des peaux à livrer.
    — Voilà qui est digne d’un noble, persifla-t-elle.
    — Je me demandais si tu voulais danser.
    — Danser ! Avec qui… toi ? Mais je suis comme
Jausserande. Je ne danserai qu’avec le meilleur chevalier du monde.
    Jean sentit ses épaules s’affaisser. Le meilleur chevalier
du monde. L’homme qui tuerait le dragon. Le brave qui rapporterait le Graal. Il
se dit qu’il devait prendre la croix et prouver par ses exploits en Terre
sainte qu’il était aussi valeureux que le père d’Aubeline. Cette dernière le
prit fraternellement par l’épaule.
    — Demande donc à Bérarde. Je suis sûre qu’elle sera
enchantée de danser avec toi.
    Il n’eut pas le temps de dire non. Aubeline le poussait déjà
dans les bras de la géante. Jean du Paumier se sentit emporté. La Burgonde l’entraîna au milieu des couples qui sautillaient au rythme des tambours.
    Écarter le pied gauche.
    Lancer le pied droit.
    Ramener le pied droit près du gauche.
    Lancer le pied gauche.
    Ramener le pied gauche près du pied droit.
    Les couples se déplaçaient latéralement. Bérarde tenait son
Jean fermement par la main. Quand il se rapprochait d’elle, il humait son odeur
animale, il apercevait les mouvements de sa poitrine généreuse. La sensualité
de la géante l’attirait. Il se sentit tout drôle. Après avoir dansé une tresque,
il rivalisa d’adresse en sautant sur le rythme endiablé d’une saltarelle. Ils
burent, rirent ; elle lui apprit quelques mots de son langage de muette, et
il lui répondit oui quand elle lui fit comprendre que l’étable n’était pas loin.
    Seule Aubeline les vit s’escamper comme des voleurs. Elle en
fut heureuse. Jean du Paumier n’était sûrement pas le meilleur chevalier du
monde, mais il allait donner du plaisir à Bérarde.

14
    Au premier grondement de tonnerre, Bertrane se redressa d’un
coup sur son lit et soupira. Elle échappait à son rêve. Toujours le même. Un
inconnu la ployait entre ses bras, lui découvrait les épaules et l’embrassait
dans le cou. C’était confus, c’était chaud. À la vue de sa couche toute
froissée où elle passait seule ses nuits, elle sentit sa gorge se nouer. Elle
eut une pensée pour Bertrand calfeutré dans la forteresse de Château-Vieux et, le
temps d’un souffle, lui en voulut au point de souhaiter sa mort. Son époux
priait, priait et priait, encore et toujours, de matines à complies, parfois
même des nuits entières, refusant le péché sous toutes ses formes. Son époux
redoutait le désir, au point, disait-on, de se flageller quand son corps
affaibli résistait mal aux besoins de son bas-ventre. C’était étrange. Il n’y
aurait pas d’héritier, pas de lignée. Signes, à leur mort, serait la proie de
toutes les convoitises. Bertrane avait souvent pensé à faire son testament. Mais
à qui offrir le fief ? Aux fils de Stéphanie ? Il n’en était pas
question. Aux évêques de Marseille qui se hâteraient de lever des impôts et d’opprimer
la population ? Certes pas. À l’empereur d’Allemagne qui nommerait l’un de
ses barons barbares et créerait une tension sans précédent en Provence ? Non
plus. Elle n’avait pas de solution. À moins de mettre au monde un bâtard. Les demoiselles
d’honneur, ces pipelettes invétérées, lui avaient raconté

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