Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
Vom Netzwerk:
rétention et des réservoirs dans lesquels on puisait à satiété. Peu
à peu, le bruit des cascatelles recouvrit le son de leurs pas. La source de
Cibo était la principale pourvoyeuse du château. Elle réapparaissait entre les
lèvres de marbre des poissons sculptés au-dessus des bassins dont le plus vaste
occupait presque la totalité du soubassement de la tour Carrée. Ce carré n’était
autre que le corps principal d’un ancien temple d’Isis, mais de la déesse
égyptienne à la croix ankh, il n’existait plus de représentations. Les premiers
chrétiens avaient brisé toutes les statues païennes des anciennes religions et
brûlé les prêtres qui les servaient.
    Bertrane et Alix s’immobilisèrent au bord de ce petit lac
tapissé de pierres vertes. L’onde était si limpide que les flammes des torches
en illuminaient le fond, arrachant de minuscules éclats d’or aux cailloux
striés de quartz.
    Soudain, elle se troubla, des paillettes tremblantes
glissèrent autour d’un corps d’une blancheur de lait. C’était Jausserande. La
jeune femme qui jusqu’à présent s’était tenue dans la partie la plus sombre et
la plus chaude du bassin nageait vers les arrivantes. Elle était nue. Ses
cheveux pareils à des algues rouges flottaient dans les remous provoqués par sa
brasse. Quand elle fut proche, elle se retourna, offrant ses formes juvéniles
au regard de la dame et de l’Autrichienne. Dans l’ondoiement doré, sa peau
parut de miel ; elle devait en avoir la douceur et la saveur. On devinait
le galbe de ses seins et les poils follets de son pubis. Elle aurait été l’incarnation
de l’innocence même s’il n’y avait eu ses yeux malicieux dans le vert, desquels
la pudeur n’avait pas sa place.
    — Venez me rejoindre, l’eau est tiède, dit-elle en les
invitant d’un geste gracieux.
    Alix, élevée dans la rigueur de ses montagnes, fit la moue. À
cet instant, comme pour prouver les dires de Jausserande, deux servantes
apparurent dans l’encadrement d’une porte d’où s’échappaient des fumerolles. Elles
portaient péniblement un chaudron contenant trente setiers d’eau bouillante qu’elles
versèrent dans le bassin. Deux autres leur succédèrent avec le même fardeau, puis
deux autres encore.
    — Allez, venez !
    Jausserande s’étira, roula à la surface de l’eau avant de
plonger vers les profondeurs. Pendant un moment, Bertrane suivit cette naïade
du regard, en proie à toutes sortes de sentiments contradictoires, puis elle se
dirigea vers la porte derrière laquelle venaient de disparaître les servantes.
    — Méfie-toi d’elle, chuchota Alix. C’est une grivoise.
    Bertrane sourit. Jausserande aimait les plaisirs, tout le
monde savait cela. On disait qu’elle avait perdu son pucelage à douze ans, volontairement
pour s’opposer à la volonté de son père qui désirait la marier au fils du comte
de Lourmarin, qu’elle avait rendu fou d’amour un écuyer qui était mort de ses
blessures après le jugement de Dieu qu’elle lui avait imposé par caprice, que l’évêque
Léon de Marseille s’était damné tout un été dans sa couche. Mais Bertrane
prenait ces révélations pour des racontars, ou du moins pour des histoires
déformées par le bouche-à-oreille.
    Elle repoussa le lourd battant de la porte. Aussitôt d’épaisses
volutes de vapeur l’enveloppèrent. Elle aimait cet endroit tout en longueur et
voûté, dans le fond duquel une immense cheminée avalait d’heure en heure vingt
brassées de bois tout en chauffant un rudimentaire hypocauste. Il y régnait une
chaleur intense. On y voyait à peine à deux pas. Elle se cogna à une demoiselle
d’Avignon occupée à masser une femme allongée sur une pierre de marbre. La
demoiselle s’inclina avant de reprendre sa tâche. La sueur qui coulait de son
front mouillait de gouttes larges le devant de la tunique légère qui collait à
sa peau. Bertrane continua. Une forte odeur de cade imprégnait l’atmosphère. Les
femmes se servaient de l’huile de ce genévrier pour lustrer leur chevelure. Dans
un coin, penchée au-dessus d’un baquet, Adalarie, la vicomtesse d’Avignon, procédait
à ce rituel, baignant ses cheveux dans un mélange d’eau froide et d’huile.
    Plus loin, deux autres femmes accroupies dans une vaste cuve
de bois s’étrillaient mutuellement le corps tandis qu’une servante versait de
la cendre sur leurs épaules. Cela paraissait irréel quand on songeait à la
rudesse

Weitere Kostenlose Bücher