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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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forfaiture, mais pour t’apporter ceci.
    Il détacha les sangles d’un sac de toile qu’il portait à l’épaule
et, le retournant, le vida aux pieds de la reine. Les femmes, curieuses, s’étaient
rapprochées ; elles entendirent un cliquetis et demeurèrent surprises à la
vue des deux objets sur le sol : un fléau et un olifant de grande taille.
    — Nous sommes quittes à présent, continua Jean. Tu m’as
soumis à une sorte de jugement de Dieu à outrance contre ton champion et j’en
suis sorti vainqueur. Adieu, ma reine. Que la mère de Jésus te vienne en aide.
    Il en avait terminé. Il s’inclina devant Eléonore, repartit.
    Quelques instants plus tard, on entendit son cheval s’éloigner
dans le désert, puis la reine balbutier :
    — Oh non, nous ne sommes pas quittes !
    Jean était sur la route de Bethléem quand Othon d’Aups le
rejoignit.
    — Ta sortie de l’armée croisée a été remarquée et
remarquable, dit le commandeur. Tu vaux au moins cent pièces d’or à présent. La
reine va finir par m’oublier. Je vais bientôt rentrer en France pour une
importante mission. Veux-tu venir avec moi ?
    — En France ou en Provence ?
    —  En Provence, chez nous… J’ai là-bas une fille, Aubeline,
qu’il me plairait de te présenter.
    Jean sourit. Il se souvenait vaguement d’une fille maigre, un
vrai garçon manqué. Aubeline, le nom chantait bien.
    — Je t’accompagnerai, répondit-il.

20
    Sur le cintre était gravé le vingt-troisième article de la
cour d’amour :
     
    Moins dort et moins mange celui qu’assiège pensée d’amour.
     
    Il sembla à Bertrane qu’elle le lisait pour la première fois.
C’était pourtant elle qui avait fait inscrire ces mots et tant d’autres dans le
château. Les visiteuses arrivant à cet endroit trouvaient cet article cocasse
car, au-delà du cintre, s’ouvraient les cuisines sous une succession de quatre
voûtes.
    Ce vaste chaudron s’animait dès l’aube. Il fallait nourrir
les cent personnes du château, les voyageurs, les pauvres. Toute une foule d’écorcheurs,
d’éplucheurs, de cuisiniers et de valets aux faces rougies disparaissait
derrière les monticules de choux et de raves, derrière les jambons accrochés à
des cordes, les empilements de volailles. Bertrane détourna son regard. Elle n’aimait
pas voir tordre le cou des poulets et des canards. Elle se fit violence en
passant devant les hommes qui découpaient les porcs, préparaient les bandes de
lard, versaient des pintes et des pintes de sang dans des bassines. Autour de
ces diables maniant hachoirs, couteaux et couperets, les servantes aux hanches
larges s’agitaient, les bras chargés d’oseille, de carottes, distribuaient du
vin chaud, des baisers, des claques parfois. Elles s’abandonnaient à de fugaces
étreintes au-dessus des cuisseaux et des fougasses rangés sur des lits de
paille et on voyait se confondre leurs poitrines avec la pâleur des tranches de
veau et la blondeur des pains de froment.
    Bertrane s’avança vers ce joli monde qui se laissait aller
tout en travaillant. Personne ne l’avait encore remarquée car elle portait une
robe bleue toute simple. Il fut un temps où elle souriait à la vue de ce tapage
et de ces galipettes. Plus aujourd’hui. Ses gens étaient heureux. Pas elle. Elle
leur en voulait. Elle en était au point de ne plus accepter leur insolence, leurs
désirs poissards, la brutalité de ces amours qui naissaient entre les bouquets
d’ail et d’oignons et s’achevaient dans le foin des étables.
    — La dame ! s’exclama quelqu’un.
    Le silence se fit. On n’entendait plus que le crépitement
des flammes sous les marmites et le bêlement d’un mouton. Bertrane leur
apparaissait comme une créature fantasque. Elle avait pourtant un visage de
madone, le plus doux qui fût. Son cœur était d’une droiture absolue. Elle
prônait cependant l’indépendance des femmes, revendiquait l’égalité de droit
entre les époux. Elle les dérangeait. Depuis son arrivée à Signes, elle avait
changé leur existence qui ne se traduisait plus par une succession de peines
pour mériter le paradis. Tous lui en étaient reconnaissants, mais les prêtres
se chargeaient de leur rappeler que la vie à la cour d’amour était un leurre.
    Elle les contempla. Beaucoup formaient des couples. Des
lueurs de joie brillaient dans leurs regards. Toutes ces petites flammes
dissimulées sous les paupières baissées étaient autant de

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