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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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sur
eux.
    Le Souffleur ne s’esclaffait plus, un cimeterre venait d’ébrécher
méchamment son bouclier. Il riposta. Son fléau telle une comète fit craquer des
os. Partout la mort frappait. Un fidèle sergent chargé de la protection
rapprochée d’Othon s’effondra, une javeline plantée dans le ventre. Il s’agrippa
quelques secondes au commandeur avant de rouler sous les jambes de ses frères. Nul
ne faisait attention à ceux qui tombaient. Haletants, les guerriers ne
regardaient que l’acier étroit des armes, cet acier qui savait si bien louvoyer
entre les boucliers, les armures et les chairs quand on manquait d’attention. Pas
à pas, rue après rue, les chrétiens grignotaient du terrain. Vint le moment du
face-à-face avec les gardes du gouverneur d’Urfa. L’affrontement tourna court. Pris
de folie, un écuyer du duc Welf se jeta entre les rangs musulmans en moulinant
de sa hache et atteignit le gouverneur qu’il fendit d’un coup. Leur chef tué, les
gardes s’enfuirent.
    Jean se mit à courir derrière eux mais ne put en rattraper
un seul. Dans sa course effrénée, il distança les siens. Tout autour de lui, les
maisons brûlaient. Des courants d’air faisaient tourbillonner des flammes et
des colonnes de fumée se répandaient au loin en une cendre collante. Il voulut
se dégager de l’étreinte infernale du brouillard empoisonné et alla de l’avant.
Il émergea brusquement à l’air pur, eut un choc en découvrant Damas. Devant lui,
à moins de cent toises, au sommet d’un empilement de pierres taillées, une
catapulte crachait des boulets de feu. C’était une tour géante couronnée de
créneaux, bourrée de soldats qui manifestaient leur joie à chaque tir du
formidable engin manœuvré par des ingénieurs. Ils le virent soudain derrière
son écu frappé de la flamme des Agnis et de la croix. Aussitôt une douzaine d’archers
l’arrosèrent de traits et il ne dut son salut qu’à la vitesse de ses jambes et
aux feintes de son corps.
    Quand il parvint dans le quartier embrasé, Jean enleva son
heaume. Des cavaliers chrétiens passèrent en trombe, puis se fondirent dans la
tourmente. Comme il se trouvait parmi les poutres effondrées qui crevassaient
une vaste bâtisse, il entendit un bruit de ferraille. Un chevalier se
matérialisa dans les décombres fumants.
    — Michel ! appela Jean en reconnaissant le
Souffleur.
    Le fléau de son ami était couleur de sang. Son écu, son
casque en étaient couverts. Il se tenait à demi fléchi sur ses jambes comme
prêt à frapper et il avait l’air d’un démon au sein de ce chaos.
    Jean aurait été bien en peine de lire la moindre expression
de pitié dans le regard du Souffleur posé sur lui. Quelque chose n’allait pas.
    — Tu entends les hurlements des mourants ? dit
Michel d’une voix rauque.
    Jean comprit. Une coulée de glace descendit sur sa nuque :
le Souffleur allait l’attaquer.
    Les boules du fléau frappèrent le bouclier de Jean.
    — Pourquoi ? s’écria le Signois en repoussant l’imposante
masse du guerrier.
    — J’appartiens à Eléonore, que tu as grandement
offensée !
    — Depuis quand sers-tu la reine ?
    Jean cherchait à gagner du temps. Il ne voulait pas se
battre contre un croisé. Il espérait la venue des soldats du Christ dont on
entendait les cris dans les ruines voisines. Pour toute réponse, Michel donna
du fléau.
    — J’espère pour toi que je vaux cher, dit Jean en se
fendant d’un coup d’épée.
    Cher assurément. Des solidus d’or, des coupes d’argent, des
colliers de pierreries, un titre peut-être ? Il y vit toute l’ignominie de
la nouvelle chevalerie franque corrompue par les Lombards, les Pisans, les
Vénitiens et les Génois.
    Un seul coup fait pour tuer. Un seul à l’interstice des
plaques de fer qui protégeaient la poitrine du Souffleur. Le fléau n’était pas
une arme réputée rapide. L’épée si. Après deux assauts, Jean allongea le bras. La
pointe de la lame s’enfonça de dix pouces, perçant les mailles de la cotte, le
cuir et la toile, les muscles et le cœur.
    Le Souffleur recula. Son fléau quitta sa main, l’écu
accrocha les poutres noirâtres. Il balbutia quelque chose qui ressemblait à « Peste
et damnation ! ». Sa respiration sifflait, pareille à celle des
brasiers qui çà et là faisaient rage. Il tituba, puis s’effondra aux pieds d’Othon
d’Aups qui venait d’apparaître.
    — Il y en aura d’autres, fit le commandeur.

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