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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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messages de
reconnaissance. Elle aurait tant voulu partager leur bonheur, connaître une fois
un réel désir pour un homme.
    Elle s’avança comme dans un songe où se réveillaient les
interdits. Elle sentait palpiter toutes ces chairs autour d’elle. Alors elle
eut envie de fuir, d’échapper aux commandements de ses sens, de se sauver pour
toujours, loin de ce bastion d’amour. Elle fit brusquement demi-tour et s’en
alla dans l’envol des rubans mêlés à la tresse de ses cheveux. Elle voulait se
retrouver à l’air libre, battue par les rafales du mistral qui soufflait depuis
quatre jours. Avant d’atteindre les courtines, elle ne put s’empêcher de poser
les yeux sur trois des articles que la main du sculpteur avait placés sur son
chemin :
     
    XVI. À la vue de ce qu’on aime, on tremble.
    XVII. Nouvel amour chasse l’ancien.
    XVIII. Le mérite seul rend digne d’amour.
     
    C’en était trop. Elle émergea sous le ciel. Le vent la prit.
Son mugissement lourd, son convoi d’odeurs et de poussière, loin de la calmer, lui
mirent les nerfs à vif. Il pliait les ramures, charriait les instincts de la
terre, parlait de guerre et d’amour. Ses rafales sifflaient entre les fissures
des créneaux, prenaient à partie les sages oliviers, les cloches de
Saint-Pierre et de Saint-Jean, chassaient les vols d’étourneaux vers le levant
et les hommes aux abris. Elle l’affronta du haut d’une tour d’angle. Il plaqua
sa robe contre ses jambes. Elle le sentit sur son ventre et sur ses seins.
    Il lui fit cligner des yeux. Il était fort, libre, égoïste, prenant
son plaisir sur les courbes des montagnes et dans les creux ombrés des vallées.
    — Mistral ! Mistral ! Dis-moi où se trouve
mon bien-aimé.
     
    Aubeline avait posé la même question. Non pas à voix haute, mais
dans son cœur. Elle était dans la grand-salle de Meynarguerte où ses ancêtres
se réunissaient pour des beuveries interminables. Les Aups avaient autrefois
été nombreux. De ce vivier dans lequel l’Histoire avait puisé sans compter, il
ne subsistait que son père, un oncle, une tante et deux cousins vivant à
Aiguilles. La bâtisse craquait, ses membrures éprouvées par la tempête
poussaient des plaintes. Aubeline imagina les lieux pleins d’enfants, de rires,
de vie. Elle se passa une main sur le ventre ; elle était en âge d’en
porter. Mais elle ne pouvait se résoudre à mettre sans amour des enfants au
monde. Elle eut un sourire en pensant que Bérarde risquait de se trouver grosse.
La coquine était partie rejoindre Jean du Paumier pour quelques heures. Elle
reviendrait juste avant leur départ pour la cour d’amour où toutes deux – femmes
liges – étaient tenues d’assurer la protection de la dame au cygne. Elle reposa
tout bas la question au vent :
    — Mistral, mistral, souffle-moi le nom de mon aimé.
     
    Bertrane attendit longtemps une réponse qui ne viendrait
jamais. Puis le vent se fit porteur d’un son. L’appel lointain d’un cor. C’était
un signe. L’espoir venant, elle laissa errer son regard sur la blancheur de la Sainte-Baume qui étincelait sous le soleil. Elle s’attendait à voir pointer la lance d’un
chevalier à l’horizon de cette solitude embrasée.
    — Manger à pleine bouche le mistral n’a jamais fait de
bien.
    La comtesse de Dye. Bertrane pressentit l’inévitable. Elle
se détourna du vent. Delphine se tenait à deux pas, les yeux ardemment braqués
sur elle. Quelque chose de soupçonneux et de cruel glissait entre ses cils que
le vent ne faisait pas battre.
    — Avons-nous des messages ? demanda Bertrane.
    — Rien qui mérite de réunir les dames en grand conseil.
Deux femmes célibataires sont venues se plaindre de l’intérêt trop pressant des
moines de Montrieux, un sergent de votre époux. Petit Baudouin, voudrait
demander divorce, il en aime une autre. Il espère notre concours.
    — Nous verrons cela plus tard…
    Bertrane crut prudent d’affecter une certaine indifférence, mais
Delphine jugea cette dérobade autrement. La vieille chouette lisait loin dans
les pensées. Quand quelqu’un résistait à ses investigations, elle utilisait les
services des sorcières de Signes la Noire. Rien ne lui faisait plus plaisir que de mettre à nu les secrets de ses proches et de manipuler les êtres grâce à
leurs faiblesses.
    — Tu as changé. Ton dévouement à la cour n’est plus le
même. Je dirais même qu’il t’est pénible. Peut-être

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