La Fin de Fausta
à la question que j’ai eu l’honneur de vous poser.
– C’est qu’apparemment il ne me plaît pas de vous faire cet honneur, fit l’autre du bout des lèvres singulièrement dédaigneuses.
– Vous avez tort, monsieur, parce que je vais croire que c’est de moi que vous riiez ainsi.
– Croyez ce que vous voudrez. Peu importe.
– Il vous importe beaucoup, au contraire. Parce que, si c’est de moi que vous avez ri, je vous demanderai de m’accompagner ici près, sur le quai… Je serais curieux de voir si vous rirez aussi fort quand je vous tiendrai au bout de mon épée.
– Monsieur, tant que vous n’aurez pas réglé vos comptes avec celui qui vous a infligé une correction déshonorante devant toute la cour, vous n’aurez droit à aucune réparation d’honneur. Jusque-là, on ne se bat pas avec vous.
Ayant signifié ce refus d’un air souverainement impertinent, le gentilhomme tourna les talons en haussant les épaules.
Mais il ne put pas s’éloigner comme il avait l’intention de le faire. D’un geste rapide, Rospignac avait remis son chapeau sur la tête et, saisissant le rieur aux épaules, il l’avait immobilisé sans effort apparent. Ce fut également sans effort apparent qu’il le retourna. Et le maintenant solidement, avec un calme effrayant, il prononça :
– Monsieur, vous m’avez insulté. J’estime, moi, que vous me devez une réparation immédiate. Oui ou non, voulez-vous vous couper la gorge avec moi ?
– Non, fit sèchement le rieur qui s’efforçait maintenant de se dégager.
– Très bien, dit Rospignac.
Avec une vivacité extraordinaire, une force irrésistible, il le retourna de nouveau, lui donna une légère poussée et le frappa du pied, tout comme Valvert l’avait frappé lui-même dans la salle du trône. Le rieur ainsi traité poussa un hurlement. Non de douleur : c’est à peine si Rospignac l’avait touché, estimant que le geste suffirait, mais de rage et de honte.
– Maintenant que vous voilà logé à la même enseigne que moi, libre à vous de ne pas vous battre, railla Rospignac.
– Sang et massacre, il faut que je vous mette les tripes au vent ! rugit l’insulté.
Une sortie en tumulte suivit. Moins de deux minutes plus tard, sous les fenêtres mêmes du Louvre, les deux hommes, pourpoint bas, croisaient le fer. Les compagnons du rieur, quelques curieux, témoins de l’altercation, avaient suivi et formaient la galerie.
La passe d’armes fut d’une brièveté rare. Certes, l’adversaire de Rospignac était un escrimeur d’une force respectable. Mais la colère folle qui l’animait lui enlevait une partie de ses moyens, tandis que Rospignac, qui gardait le même sang-froid dont il avait fait montre jusque-là, restait en possession de tous les siens. Sur un coup droit foudroyant du baron, le malheureux tomba comme une masse, en rendant des flots de sang. Ses amis se précipitèrent, dans l’intention de lui donner des soins.
– Inutile, dit froidement Rospignac, j’ai visé le cœur… Je vous réponds qu’il est mort.
Il ne se trompait pas : l’infortuné avait été tué raide. Ses amis se regardèrent, effarés de la rapidité déconcertante avec laquelle ce résultat avait été obtenu. Ah ! ils n’avaient plus envie de rire ! D’autant plus que Rospignac, qui avait son idée qu’il poursuivait implacablement, leur montra tout aussitôt qu’ils n’en avaient pas encore fini avec lui.
Ils étaient trois qui l’avaient insulté de leurs rires. Trois jeunes hommes, beaux, vigoureux, riches, devant qui la vie s’ouvrait, riante et belle, et qui, raisonnablement, pouvaient escompter qu’ils avaient devant eux une longue suite d’années heureuses à vivre. L’un d’eux, déjà figé dans l’immobilité de la mort, se trouvait étendu, raide et sanglant, sur les dalles du quai Rospignac s’adressa aux deux autres. Et de cette même voix effrayante :
– Messieurs, vous m’avez insulté, comme celui-ci (de l’épée, rouge de sang, il montrait le corps inerte de son précédent adversaire). Dégainez, s’il vous plaît, et me rendez raison.
Et, avec un sourire terrible :
– L’un après l’autre, ou tous les deux ensemble, comme vous voudrez.
Les deux jeunes gens se consultèrent du regard. Ils hésitaient. Rospignac marcha sur eux en faisant siffler son épée, et ce geste fit pleuvoir sur eux une horrible rosée rouge : le sang de leur ami.
– J’ai décidé que tous ceux
Weitere Kostenlose Bücher