La Fin de Fausta
voilà la solution la plus simple, la plus juste aussi ! Et je ne suis qu’un bélître de n’y avoir pas songé plus tôt !… Les deux cent mille livres ?… Eh ! c’est Concini qui doit les donner, mordiable !… D’abord, il peut le faire sans se gêner… il est assez riche !… Ensuite, il s’agit de sa fille, après tout !… Que diable, il peut bien la doter !… Il lui doit bien cela, à elle aussi ! Décidément, voilà la bonne idée !… Je savais bien qu’elle me viendrait en dormant !… Maintenant, je peux aller voir le petit roi. »
Et Pardaillan, tout guilleret, l’œil pétillant, comme lorsqu’il méditait quelque bon tour de sa façon, procéda aussitôt à sa toilette. Et il partit, à pied, le poing sur la hanche, le jarret tendu, le nez au vent, la moustache conquérante, comme à vingt ans et fredonnant un air de fanfare qui datait du temps de Charles IX… Le temps où, précisément, il avait vingt ans.
Il s’en alla tout droit au Louvre.
Des ordres avaient été donnés à son sujet, en vertu desquels il fut immédiatement introduit dans la petite chambre du roi. Et, faveur qui ne fut pas sans susciter quelque sourde jalousie, Louis XIII congédia aussitôt ceux de ses intimes qui lui tenaient compagnie, pour demeurer seul avec lui.
Pardaillan resta un bon quart d’heure en tête à tête avec le roi. Au bout de ce temps, il avait dit tout ce qu’il avait à dire. Il avait obtenu aussi ce qu’il voulait, car il paraissait très satisfait. Alors, dédaigneux, selon une vieille habitude des usages de la cour, qui voulaient qu’il attendît que le roi lui donnât congé, il se leva et dit :
– Maintenant, Sire, je vous demande la permission de me retirer, ayant fort à faire pour le service de Votre Majesté.
– Allez donc, chevalier, puisque mon service l’exige. Allez et comptez que, quoi qu’il arrive, je tiendrai la double promesse que je viens de vous faire, d’assister en personne au mariage du comte de Valvert et d’exiger de M. d’Ancre qu’il fasse une dot de deux cent mille livres à la mariée.
Et, avec un sourire aigu :
– Je le ferai d’autant plus volontiers que je jouerai un mauvais tour au maréchal, tout en rendant service au comte à qui je dois bien cela.
Et, pris d’une inquiétude subite :
– Vous êtes sûr qu’il s’exécutera, le maréchal ?
– Tout à fait sûr, Sire.
– Cependant, s’il refuse ?
– Il ne refusera pas, Sire.
– Mais encore ?
– Eh bien, Votre Majesté n’aura qu’à lui répéter les paroles que je viens de lui dire, et elle le trouvera aussitôt souple comme un gant.
– Pardieu ! dit le roi avec un sourire plus acéré encore, rien que pour voir l’effet que produiront ces paroles, je souhaiterais presque qu’il refusât.
– Vous n’aurez pas cette satisfaction, Sire, je vous réponds qu’il acceptera sans piper mot.
Ayant donné cette assurance avec un accent d’inébranlable confiance, Pardaillan serra la main royale qu’on lui tendait, fit sa révérence et se dirigea vers la porte.
Louis XIII l’accompagna jusque-là. C’était une troisième faveur plus haute, plus rare encore que les précédentes. Mais Pardaillan qui, une lueur malicieuse au fond des prunelles, le guignait du coin de l’œil, comprit que cette faveur-là était intéressée, que le petit roi grillait d’envie de dire quelque chose qu’il n’osait ou ne savait comment dire, et qu’il retardait, d’instinct, autant qu’il le pouvait, l’instant de la séparation.
Il ne se trompait pas. Parvenus devant la porte, le roi posa sa main d’enfant sur le bras du chevalier, l’arrêta, et les yeux brillant d’une curiosité puérile, non sans quelque hésitation, comme s’il avait honte lui-même de sa curiosité :
– Ainsi, chevalier, vous vous en allez… sans me dire en quoi consiste cette agréable… cette heureuse surprise – ce sont vos propres termes – que va me faire le comte de Valvert ?
Pardaillan se mit à rire de son rire clair.
– Voyons, Sire, dit-il, si je vous le dis d’avance, ce ne sera plus une surprise.
– C’est juste, dit le roi, moitié riant, moitié dépité.
– Et puis, reprit Pardaillan, qui redevint sérieux, et puis, le comte de Valvert qui a déjà risqué sa vie, qui la risque peut-être encore au moment où je parle, uniquement pour vous faire cette riche surprise, le comte serait en droit de me vouloir la malemort, si je le
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