La Fin de Fausta
venait de se livrer pieds et poings liés.
Léonora partit, satisfaite de la docilité de la jeune fille, mécontente d’elle-même. En effet, en s’en retournant vers le cabinet où elle venait de s’entretenir avec Rospignac, elle songeait :
« Il est certain que, pour bien faire, j’aurais dû prendre cette enfant, dans mes bras, la couvrir de caresses, lui dire : “C’est moi qui suis ta mère !” Et le lui dire avec des accents qui, jaillis du cœur, n’eussent pas manqué d’aller droit à son cœur, à elle… Oui, voilà ce qu’il eût fallu faire… ce que j’avais bien l’intention de faire… Mais j’ai eu beau me raisonner, je n’ai pas pu… Non, je n’ai pas pu… je ne pourrai jamais caresser la fille de mon Concino !… C’est déjà bien assez que je ne l’étrangle pas de mes propres mains !… Et puis, plus je vais, plus je me persuade qu’elle sait très bien qui est sa mère… Elle ne m’aurait pas crue, tout en feignant de me croire… Je n’aurais donc réussi qu’à nous imposer, à toutes deux, une insupportable contrainte… Tout bien considéré, les choses sont bien ainsi. Cette petite, je ne puis en douter, n’entreprendra jamais rien contre Maria. Au bout du compte, c’est l’essentiel. »
L’esprit en repos sur cette question qui l’avait laissée si longtemps indécise, elle revint dans son cabinet, s’installa dans son fauteuil. Elle songeait toujours à Florence. Un sourire effroyable errait sur ses lèvres, tandis qu’elle calculait :
« Pour ce qui est de son mariage avec Rospignac… quand toute cette affaire sera bien réglée, dans les formes voulues : quand elle sera dûment reconnue comme la fille légitime de Concino Concini, marquis d’Ancre et de Léonora Dori, son épouse : quand elle sera devenue officiellement demoiselle Florence Concini, comtesse de Lésigny… c’est-à-dire dans quelques jours…, il sera temps de lui signifier la volonté de son père… Alors, si elle résiste… comme je l’espère bien… nous l’enfermerons dans cette tombe anticipée qu’on appelle un cloître… Là, jusqu’à la fin de ses jours, elle pourra méditer à loisir sur les inconvénients qu’il y a à se mettre en révolte ouverte contre cette chose sacrée qu’est l’autorité paternelle… Ainsi, à la douce, sans recourir à des moyens extrêmes, nous serons débarrassés d’elle à tout jamais, et cela vaudra infiniment mieux qu’une mort qui pourrait paraître suspecte, et sera tout aussi sûr… Rospignac ne sera pas content, c’est certain, mais quoi, est-ce ma faute, à moi, si cette petite s’obstine à ne pas le vouloir pour époux ?… Si elle accepte – cela m’étonnera bien, mais c’est possible, après tout, et il faut tout prévoir – si elle accepte, ce sera fâcheux évidemment, mais elle sera au pouvoir de Rospignac… qui sera heureux… enfin… Et Rospignac est dans ma main, à moi. Donc, voilà une affaire qui, d’une manière ou de l’autre, est définitivement réglée. N’y pensons plus. »
Ainsi nous est révélé, dans toute son implacable rigueur, le plan monstrueux de l’infernale Léonora Galigaï. Ainsi, nous savons maintenant que ce mariage avec Rospignac, qu’elle savait savamment préparé, comme si elle y tenait réellement, n’était qu’un pis-aller dont elle se contentait, faute de mieux.
Ce qu’elle voulait, en réalité, c’était avoir un prétexte plausible qui lui permît de se débarrasser « à tout jamais » de la fille de Marie de Médicis, en l’enfermant dans un cloître : ce qu’elle avait justement appelé « une tombe anticipée ».
La malheureuse Florence qui, en ce moment même, à genoux, et les mains jointes, avec toute la ferveur de sa foi naïve et sincère, remerciait Dieu et Madame la Vierge Marie, « de lui avoir accordé la grâce de sauver sa mère, tout en préservant ses jours », ne se doutait pas que mieux eût valu, cent fois, pour elle, une fin foudroyante, par un bon coup de poignard appliqué en plein cœur, que cette mort lente, sombre, désespérée, au fond d’un cloître, qui l’attendait.
L’esprit infatigable de Léonora travaillait déjà à autre chose. Cette autre chose, cependant, la ramenait encore à la malheureuse enfant qu’elle venait de condamner froidement. Après avoir médité un assez long moment, elle murmura :
« La Gorelle, c’est bien !… La Gorelle et Landry Coquenard ce serait
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