La Fin de Fausta
parler que d’elle. Et comme il avait en Landry Coquenard un confident qui ne se lassait jamais quand il était question de celle qu’il appelait toujours « la petite », nous n’avons pas besoin d’ajouter qu’ils n’eurent plus guère d’autre sujet de conversation que celui-là qui leur tenait également à cœur à tous les deux.
Cependant, tout en bavardant, ils avançaient à une allure accélérée, longeant toujours les bords de la rivière. Et Landry Coquenard qui paraissait connaître admirablement ces environs de Paris d’alors qui étaient, plus que de nos jours, un véritable enchantement, nommait les bourgs, les hameaux, les châteaux, à la hauteur desquels ils passaient. Et il donnait, à leur sujet, une foule de renseignements et de petits détails qui, sous son indifférence affectée, émerveillaient Valvert étonné de le voir si bien renseigné.
– Monsieur, dit tout à coup Landry Coquenard, nous voici parvenus à la hauteur de Ruel [6] où je dois me rendre pour exécuter les ordres que vous m’avez donnés. Je vais donc vous quitter. Vous plaît-il de me dire où je vous retrouverai ?
– C’est plutôt à toi, qui connais si bien toute cette campagne, de me dire où je pourrai t’attendre.
– Eh bien, nous allons, s’il vous plaît, monsieur, gagner la grande route de Saint-Germain qui se trouve sur notre gauche à environ deux cents toises d’ici.
Ils regagnèrent cette route de Saint-Germain. Là, Landry Coquenard, après avoir donné à son maître des indications précises, piqua des deux vers Ruel, distant de deux ou trois cents toises, à peu près. Quant à Valvert, au petit pas, il continua droit devant lui, par la grand-route, qui se rapprochait de plus en plus de la rivière. Il passa devant une maison qu’il devina plutôt qu’il ne la vit, enfouie qu’elle était au milieu des frondaisons, et que Landry lui avait dit d’être la « maison noble de la Malmaison ».
Un peu plus loin, la route venait longer le bord de la rivière. Il s’arrêta là, mit pied à terre et descendit sur la berge. Il attacha à un jeune bouleau son cheval qui se mit aussitôt à paître l’herbe épaisse et drue, et il alla s’asseoir au pied d’un hêtre énorme qui étendait, très haut au-dessus de sa tête, le dôme arrondi de son feuillage épais, qui le mettait à l’abri des caresses un peu trop ardentes d’un soleil rutilant.
Derrière lui, une petite île où ne se voyait pas la moindre habitation, et qui prenait des allures de petite forêt vierge. Sur sa gauche, une grande maison noble qu’il voyait très bien, attendu qu’elle se dressait en bordure de la route, et plus loin, à peine visibles, quelques chaumières espacées, au milieu de jardinets fleuris : le hameau de la Chaussée, lui avait dit le savant Landry Coquenard.
Odet de Valvert, rêvant sans doute à sa bien-aimée Florence, attendit là près de deux heures. Au bout de ce temps, Landry Coquenard, annoncé déjà depuis un moment par le galop sonore de son cheval, reparut. Et, du plus loin qu’il l’aperçut Valvert lui cria :
– J’espère que tu n’as pas oublié les provisions, au moins ?
– Je n’aurais eu garde, rassura Landry Coquenard, je meurs de faim, monsieur, je dessèche de soif rentrée !
– Et le chariot ?
– Il ne tardera pas. Vous pensez bien, monsieur, que je ne l’ai pas attendu.
– Et tu as bien fait, approuva Valvert, car moi aussi je tombe d’inanition, j’étrangle de soif.
Landry Coquenard sauta lestement à terre, débarrassa son cheval de deux paniers dont il était chargé et l’attacha à un arbre, comme avait fait son maître. Après quoi, il étala le contenu des paniers sur l’herbe et, agitant les mâchoires d’une manière significative, il prononça avec une évidente satisfaction :
– Voilà de quoi rendre des forces à un mort, monsieur.
Ils s’installèrent, comme deux égaux, et, avec un appétit égal, commencèrent le massacre des provisions. Sans doute ils avaient de bonnes raisons de croire qu’ils avaient du temps devant eux, car ils ne se pressaient pas.
Un grand chariot vide, traîné par deux vigoureux percherons attelés en flèche, conduit par un paysan, arriva comme ils étaient au milieu de ce repas champêtre. Le conducteur reçut l’ordre de ranger son chariot à l’ombre, le plus près possible de la berge, et d’attendre. Et pour qu’il ne s’ennuyât pas trop, Landry Coquenard, sur
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