La Fin de Fausta
battant de chêne massif, projeté à toute volée avec une violence irrésistible, poussa un hurlement de douleur, et alla, à moitié assommé, s’étaler à quatre pas de là, au milieu d’un fracas de verre cassé. Il n’en avait pas encore fini : à peine était-il tombé que l’homme armé du poignard fondait sur lui, le saisissait au collet, le traînait dans le caveau, fermait la porte à double tour, mettait la clef dans sa poche. Et profitant de son étourdissement, en un tour de main, lui liait les pieds et les mains.
Fausta s’était élancée sans s’occuper de ce qui se passait derrière elle. L’homme à qui elle avait remis une épée marchait sur ses talons.
En quelques bonds, elle franchit les marches de l’escalier, traversa la salle commune, se rua dans l’écurie. Elle ne s’attarda pas à seller son cheval. Elle lui passa simplement la bride et le mors, sauta dessus, lui ensanglanta les flancs, et partit ventre à terre, n’ayant dans l’esprit que cette unique pensée lucide :
« Dussé-je crever dix chevaux, il faut que j’arrive avant la nuit… avant le comte de Valvert !… J’arriverai, coûte que coûte ! »
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Chapitre 26 LES MILLIONS ESPAGNOLS
P endant que se déroulaient les diverses scènes que nous avons essayé de retracer, Odet de Valvert et Landry Coquenard, ne trouvant plus d’obstacle devant eux, avaient continué leur chemin à toute bride.
Au bout de quelque temps, ils avaient modéré leur allure et mis leurs chevaux au trot. Ils s’étaient mis à bavarder. Ils parlaient de cet « enragé » qu’ils avaient laissé aux prises avec Pardaillan, lequel, ils n’en doutaient pas, devait avoir eu raison de lui. Ils cherchaient, naturellement, à mettre un nom sur cette physionomie étincelante qui leur était inconnue. Et ils n’y parvenaient pas.
– Qui sait si ce n’est pas M me Fausta elle-même ! risqua finalement Valvert.
Il disait cela à tout hasard. Il n’était pas très bien convaincu lui-même. Cette supposition, qu’il ne faisait pas sans quelque hésitation, parut si saugrenue à Landry Coquenard qu’il pouffa à s’en étrangler. Et sans réfléchir, croyant avoir trouvé un argument sans réplique :
– Il lui serait donc poussé tout à coup du poil au menton, à M me Fausta ? railla-t-il.
– Imbécile, répliqua Valvert, ne peut-on se mettre une fausse barbe ?
– C’est ma foi vrai ! reconnut Landry Coquenard interloqué. Et se ressaisissant, toujours sceptique :
– M. de Pardaillan m’a souvent assuré que M me Fausta est d’une jolie force à l’escrime, dit Valvert. Et il ne prodigue pas ses compliments, M. de Pardaillan.
– Au fait, admit Landry Coquenard ébranlé, on peut s’attendre à tout d’une terrible jouteuse comme celle-là !
– Nous en savons quelque chose, il me semble !
– Ma foi, monsieur, tout bien considéré, vous pourriez bien avoir raison. Et je vous demande pardon d’avoir ri comme un sot de votre supposition qui me paraît maintenant très juste.
– Tu devrais cependant la connaître, conclut Valvert. Tu oublies un peu vite que tu m’as confessé que, dans les premiers temps de ton entrée à mon service, tu avais bel et bien failli devenir un instrument entre ses mains.
– C’est vrai, ventre de Dieu ! sacra Landry Coquenard. Et s’animant :
– C’est qu’elle m’avait fameusement englué, l’infernale princesse que je ne connaissais alors que sous le nom de duchesse de Sorrientès !… Elle m’avait si bien persuadé qu’elle voulait le bonheur de la « petite », je veux dire de M lle Florence… que je la suivais en aveugle !… que la peste me mange ! que la malemort m’extermine !…, Quand je pense que sans M. le chevalier de Pardaillan qui m’a ouvert les yeux, je n’aurais rien dit… pour vous faire une bonne surprise… Ah ! elle eût été fameuse, la surprise !…
– Oui, mon pauvre Landry, elle t’avait ensorcelé, comme elle avait failli m’ensorceler moi-même, fit Valvert. Le bonheur de Florence ? C’était bien le cadet de son souci !… C’est la perte de sa mère qu’elle machinait… et c’est à cela que tu l’aidais, sans le savoir !
Et il soupira :
– Ma bien-aimée Florence !… Qui sait si elle n’est pas plus en péril encore près de son père !…
Maintenant que le nom de sa bien-aimée était tombé de ses lèvres, il va sans dire que notre amoureux ne devait plus
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