La Fin de Fausta
dérangé.
Valvert était venu s’arrêter à quelques pas de ce groupe qu’il ne vit pas : toute son attention allait à cette troupe sur le ventre de laquelle il venait de passer, et qu’il voyait, là-bas, accourir à toutes jambes. Et de cette voix étrangement calme, un peu froide, qu’il avait dans l’action, il disait :
– Attention, Landry, c’est ici que la véritable bataille va se livrer. Ce sera rude.
– Hélas ! monsieur, à qui le dites-vous ? geignit lamentablement Landry Coquenard.
– Tu as peur ? maître couard, gronda Valvert.
– Oui, monsieur, avoua sans vergogne Landry Coquenard. Et s’emportant brusquement :
– Je suis un homme paisible, moi ! J’ai horreur des coups, et je tiens à ma peau, moi !… Et je réfléchis que puisque nous voilà devant la demeure du roi à qui ce chargement est destiné, le plus simple est de nous en aller frapper à cette porte et de réclamer main-forte, avant qu’on ne nous tombe dessus. Et c’est ce que je m’en vais faire.
Ayant mugi ces paroles, Landry Coquenard poussa résolument son cheval vers la porte. Mais il s’arrêta net, devant la pointe menaçante que Valvert appuyait sur sa poitrine, en disant froidement :
– Un pas de plus et, Landry du diable, je te mets les tripes au vent ! Et, s’animant :
– Ah ! sacripant, tu veux déshonorer ton maître ?…
– Moi ! s’étrangla Landry. Que la foudre m’écrase si je comprends !…
– Comment, misérable, tu ne comprends pas que si je vais dire au roi : « Sire, je vous apporte un cadeau… mais il faut m’aider à le conquérir », tu ne comprends pas que si je fais cela, je suis déshonoré à tout jamais ?… Ventrebleu, il faut faire les choses convenablement ou ne pas s’en mêler !…
– S’ils n’étaient que quatre ou cinq, comme ce matin, on pourrait encore se risquer, gémit Landry Coquenard. Mais, monsieur, ils sont au moins une vingtaine. Et nous ne sommes que deux.
– Oui, mais deux qui en valent vingt. La partie est donc égale.
– Tudieu, voilà un brave ! murmura Vitry.
– C’est le comte de Valvert ! répondit le roi du même ton, à peu près, qu’il eût dit : « C’est Roland ou Amadis. »
Et, sur le même ton de respect admiratif, il ajouta :
– C’est l’élève de Pardaillan !
– Ne pensez-vous pas, Sire, qu’il serait temps d’intervenir ?
– Non, non, fit vivement le roi, je veux voir si vraiment ils vont tenir tête à ces vingt larrons !
Pendant que le roi et le capitaine échangeaient ces réflexions à voix basse, Landry Coquenard, exaspéré, glapissait d’un ton suraigu :
– Ah ! c’est ainsi ! Eh bien, crevons ici, puisque vous le voulez !… Mais, par le ventre de Dieu, je ne m’en irai pas seul !… Je veux en découdre le plus que je pourrai avant de faire le saut !
– C’est précisément ce que je te demande, animal, dit Valvert. Et, sur un ton de commandement :
– Passe de l’autre côté des chevaux et attention à la manœuvre… Vous entendez, l’homme ? Gare à vos chevaux. On va s’efforcer de vous les enlever… et le chariot avec, naturellement… Défendez votre bien, ventrebleu !
Le paysan, à qui s’adressaient ces mots, sauta à terre comme un furieux, s’arma de sa fourche qu’il brandit d’un air décidé, et menaça :
– Mort de ma vie ! le premier qui touche à mes bêtes, je l’enfourche. Odet de Valvert et Landry Coquenard eurent à peine le temps de se placer de chaque côté du cheval de volée qu’il s’agissait de défendre coûte que coûte, et sur lequel allait se porter tout l’effort des assaillants. Au même instant, ils furent assaillis par les acolytes de Fausta, qui, divisés en deux groupes, attaquaient Valvert d’un côté, Landry de l’autre.
La manœuvre de Fausta se produisait telle que Valvert l’avait prévue. Il y répondit sur-le-champ par sa manœuvre à lui, imité par Landry Coquenard. Ils firent cabrer leurs chevaux qui pointèrent, plongèrent, détachèrent de formidables ruades. Cela dura quelques secondes. Il y eut des mâchoires fracassées, des poitrines défoncées. Il y eut des plaintes, des gémissements et des jurons, des vociférations.
Et les deux groupes d’assaillants, réduits de moitié, reculèrent en grondant.
Mais avant de reculer, Fausta, qui s’était bravement exposée pour l’exécuter, avait placé son coup. Et, frappé au poitrail, le cheval de Valvert
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