La Fin de Fausta
ciel me l’envoie… il ne s’en ira pas vivant d’ici !…
Vitry et ses gardes n’avaient pas encore esquissé un mouvement pour exécuter l’ordre du roi, et déjà elle passait, elle, de la décision à l’exécution. Elle remettait l’épée au fourreau en disant :
– Nous ne sommes pas des rebelles. Nous ne résistons pas à un ordre du roi.
En prononçant ces paroles destinées à inspirer confiance, elle fouillait vivement dans son pourpoint.
– Rendez vos épées, commanda Vitry, dupe de cette apparente soumission.
Il achevait à peine que Fausta lançait un coup de sifflet bref, étrangement modulé. En même temps, brandissant le poignard qu’elle venait de sortir de son sein, elle fondait sur le roi dont toute l’attention se portait sur le récit que lui faisait Valvert en ce moment.
Dans le même moment, exécutant la manœuvre que le coup de sifflet venait de leur commander, ses acolytes se ruèrent en trombe devant eux, passèrent comme des ombres le long du chariot, s’évanouirent dans la nuit noire, sans plus s’occuper d’elle que si elle n’existait plus pour eux. Et cela s’accomplit avec une rapidité fantastique.
Le premier bond de Fausta l’avait portée sur le roi. Sans s’arrêter, sans ralentir son élan, elle leva le poignard et l’abattît dans un geste foudroyant, avec l’intention de poursuivre sa course, de rattraper ses hommes et de disparaître avec eux.
Elle avait admirablement calculé son coup et l’avait exécuté avec une adresse, une sûreté et une vivacité qui devaient en assurer le succès. Mais elle avait compté sans Valvert qui, tout en s’entretenant avec le roi, ne la perdait pas de vue.
Le roi, comme dans une effrayante vision de cauchemar, entrevit l’éclair blafard de l’acier s’abattant sur lui avec la rapidité de la foudre. Il se vit perdu. Il eut un instinctif rejet du buste en arrière et ferma les yeux. Presque aussitôt après, il les rouvrit avec l’indicible stupeur de se voir encore vivant. Il fit un bond en arrière et tomba dans les bras de Luynes, accouru un peu tard.
Valvert était intervenu à temps, lui : le bras levé de Fausta avait été happé au passage et maintenu. Son élan formidable brisé net. Et maintenant elle se sentait clouée sur place, avec une force à laquelle il était inutile de résister. Maintenant, elle était prise de nouveau, comme, le matin même, elle avait été prise par Pardaillan. Et la voix de celui qui la tenait raillait :
– Tout beau, on ne meurtrit pas ainsi le roi !…
– Malédiction ! rugit Fausta.
– Ne lâchez pas prise, comte !… Sus, Vitry ! commanda le roi. Fausta ne s’attarda pas à essayer de s’arracher à la tenaille vivante qui l’immobilisait. C’eût été perdre inutilement son temps dans un moment où un dixième de seconde perdu pouvait consommer sa perte. D’un geste prompt comme la foudre, elle saisit le poignard de la main gauche et frappa, au hasard. Cela s’accomplit avec une rapidité telle que les deux gestes parurent n’en faire qu’un et que Valvert ne put pas esquiver le coup.
Le poignard tomba dans le bras qui la maîtrisait. Valvert n’eut pas un cri, pas une plainte. Mais la secousse et la douleur, malgré lui, lui firent desserrer un peu son étreinte. D’une violente saccade, Fausta se dégagea tout à fait, lui échappa. Et, d’un bond prodigieux, elle sauta dans la rivière.
Les quatre gardes, l’épée au poing, s’étaient lancés à la poursuite des estafiers en fuite : trop tard, du reste. Il ne restait plus autour du roi que Valvert, Vitry, Luynes, Landry Coquenard et le paysan.
– Prenez-le ! prenez-le ! cria le roi. Il doit être tombé sur l’un des bachots [13] qui sont amarrés là ! Et peut-être s’est-il brisé les jambes !
Landry, Vitry et Luynes se précipitèrent. Landry descendit même dans l’un de ces bachots sur lesquels le roi espérait que le fugitif s’était brisé les jambes et qui étaient assez nombreux en cet endroit. Mais Fausta demeura introuvable. Il en fut de même de ses hommes.
Le roi renonça à les faire chercher plus longtemps. Et il s’occupa de faire mettre en lieu sûr cette fortune qui lui tombait du ciel. Ce fut chose faite au bout d’une demi-heure. Après quoi, il songea à récompenser le propriétaire du chariot et Landry Coquenard, dont il avait admiré la vigoureuse défense au cours de l’assaut qu’ils avaient subi. Il leur adressa quelques
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